De nombreuses études alertent sur les effets de l’enseignement à distance et de l’isolement sur la santé mentale des jeunes. Entre stress, crises d’angoisse, sous-alimentation, et sédentarité, le monde étudiant est très touché par les mesures de confinement prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
Face à cet état de fait, les équipes responsables de l’éducation physique et sportive dans les grandes écoles et universités s’efforcent de mettre en place des pédagogies innovantes pour aider les étudiants à mieux gérer leur vie physique, et les inciter à rester actifs, tout en créant du lien.
L’activité physique, un besoin essentiel
Au Canada, l’étude de l’USask (Université de la Saskatchewan) souligne les effets néfastes des contraintes sanitaires, et des confinements à répétition sur le mode de vie des étudiants. Les préjudices sur la santé physique et mentale sont significatifs et avérés. Les résultats présentés dans la revue Applied Physiology, Nutrition and Metabolism, soulignent l’urgence de la situation et la nécessité d’utiliser de nouvelles pédagogies incitatives soutenant l’activité physique régulière des jeunes.
En France, le constat est tout aussi alarmant. À la fin du premier confinement, l’étude CoviPrev confirmait déjà une dégradation, problématique, de la santé mentale des jeunes (18-24 ans), avec une prévalence des états dépressifs et anxieux.
Dans le même sens, l’Observatoire de la Vie étudiante a également réalisé une enquête sur la vie d’étudiant confiné. Elle montre que la crise sanitaire a eu un impact sur leurs conditions de vie et sur leur cursus académique. Les signes de détresse psychologiques ont été dans l’ensemble plus nombreux dans la population étudiante pendant cette période de confinement, de même que la consommation d’alcool ou le renoncement aux soins. Les restrictions liées à la crise sanitaire jouent sur le moral des étudiants et sur leur niveau de performance cognitive.
Pour lutter contre l’isolement, la sédentarité, l’activité physique apparaît aux yeux de nombreux scientifiques et chercheurs comme l’un des leviers majeurs ; « le seul moyen d’améliorer l’immunité » souligne le professeur François Carré. L’allocution de cet éminent cardiologue et chercheur à l’Inserm n’est pas passée inaperçue. Auditionné par le Sénat, il pointe les méfaits de la sédentarité qui ne cesse de se renforcer. Pour lui, « l’activité physique est une cause nationale » ; « bouger est vital pour notre santé ! ».
Réinventer l’offre
Face au mal-être étudiant, l’enseignement supérieur a déployé des dispositifs de soutien psychologique, des accompagnements personnalisés, de multiples concertations. Concernant l’activité physique, les principales initiatives et innovations sont véhiculées par les enseignants d’éducation physique et sportive en charge des services des sports dans les grandes écoles et universités, notamment sous l’impulsion du groupe APSCGE. La Fédération française du Sport universitaire propose, elle aussi, des challenges inédits pour dynamiser les étudiants sur la dimension compétitive.
Trois difficultés majeures se posent à ces acteurs. En premier lieu, les questions de protocole et d’effectifs limitent fortement le champ des possibles. Ensuite, de nombreuses difficultés apparaissent du fait des couvre-feux, le sport et l’activité physique se pratiquant, habituellement, pour une grande part des étudiants, le soir, à partir de 18h. Comment déplacer tous ces cours le jeudi après-midi sans pouvoir disposer des infrastructures nécessaires à leur mise en œuvre ? Enfin, la gestion des étudiants dans un contexte ou l’activité physique n’est pas, dans tous les cas, considérée comme obligatoire et dotée de crédits, n’est pas simple. Trop souvent, le jeudi après-midi est phagocyté par d’autres enseignements, jugés plus sérieux.
En outre, isolement, dépression, stress, sous-alimentation, phobie, angoisse, vie en colocation ou retour chez les parents sont autant de paramètres à gérer pour l’enseignant du supérieur. La transformation des habitudes, le manque de liberté, les nouveaux soucis à gérer, dans cette période compliquée, donnent aux étudiants de multiples raisons de se laisser aller. Il faut donc lutter en permanence pour limiter l’absentéisme, l’investissement sporadique, et les déviances d’un nouveau genre.
Dans ce contexte, raccrocher les étudiants à une activité physique régulière est un vrai challenge. L’offre s’est diversifiée pour s’adresser au plus grand nombre. Elle s’est même digitalisée ce qui peut paraître paradoxal en termes de bienfaits sur la santé. Les enseignants d’EPS et vacataires spécialisés se sont formés pour produire des cours online pouvant s’inviter dans les appartements, colocations et foyers familiaux.
De nombreuses écoles et universités ont ainsi proposé aux étudiants, aux personnels mais également au grand public, des programmes d’activité physique, respectant des charges et des plages d’intensité précises. Les plates-formes de type Zoom ou Teams, ont été fortement utilisées pour assurer un suivi synchrone des étudiants sur des activités sportives, interdites en présentiel (séances de renforcement musculaire en live, fitness, yoga etc.).
Des cours asynchrones ont également été proposés avec un accompagnement à distance et des ressources en ligne ont été mises à disposition des étudiants pour qu’ils puissent se prendre en main. De nombreuses vidéos ont régulièrement été postées sur des plates-formes de streaming en réseau fermé ou ouvert (Youtube, Stream etc.).
Plus en marge, des applications ont été utilisées pour que l’étudiant puisse vivre l’activité physique, tester sa condition physique et se mettre en projet individuellement ou collectivement. Ces initiatives, ces innovations pédagogiques ont été grandement relayées sur les réseaux sociaux pour faciliter leur accessibilité et leur diffusion dans le monde étudiant.
Mais au-delà de cette proposition, c’est bien le sport en live et l’activité physique connectée qui ont su tirer leur épingle du jeu. Car, c’est bien le fait de vivre l’activité physique en direct et en groupe qui a généré le plus de plaisir et d’enthousiasme.
Sur ce registre, les propositions de la Fédération sportive du Sport universitaire ont ouvert la voie à des pratiques hybrides à la fois physiques et digitales, activités très attrayantes auprès des étudiants. Après la U’RUN, course à pied connectée (970 000 kms parcourus par 13 500 étudiants inscrits et 450 établissements classés), la U’RIDE sur vélos connectés, les étudiants auront même la possibilité de participer à la U’ROW, une compétition de rameurs connectés.
Si ces propositions digitales sont très intéressantes d’un point de vue pédagogique, elles ne doivent cependant pas occulter l’essentiel. Tout comme le vaccin qui nous laisse entrevoir une fin de crise sanitaire, c’est bien l’activité physique « réelle et régulière », pratiquée sur les terrains de sports, qui aura un impact positif sur le monde étudiant. Avant toute chose, l’activité physique doit se vivre, s’éprouver pour être ressentie et avoir un impact sur la santé physique, psychologique et sociale.
Franck Luccisano, Professeur d’Education Physique et Sportive, SKEMA Business School
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. crédit photo: