Quelques gestes simples, et 59% de gaspillage alimentaire en moins: 250 ménages se sont soumis à une expérience qui semble montrer que, dans les foyers, la clé de la chasse au gaspi réside dans la prise de conscience.
Dans quatre régions de France, ces familles aux profils variés ont participé pendant deux mois à une « opération-témoin » sur les habitudes à la maison menée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe).
Elles ont d’abord été invitées à peser leurs déchets, à comportement constant. Puis, un mois plus tard, à choisir trois gestes (comme établir ses menus à l’avance, regarder les dates de conservation avant d’acheter, préparer les bonnes quantités, s’adapter aux dates de péremption, etc) pour évaluer la différence.
Résultat, publié mercredi pour la journée nationale anti-gaspillage: des pertes réduites de 59%, soit l’équivalent de 11.300 repas économisés au total sur un an pour ces 250 ménages.
En France, le gaspillage alimentaire à la maison est évalué à 29 kilos de déchets par personne et par an, dont sept kilos d’aliments encore emballés.
La consommation à domicile représente cependant moins de 20% des pertes alimentaires totales, estimées à 10 millions de tonnes par an (générées pour plus de la moitié au niveau des producteurs et transformateurs, puis des distributeurs et de la restauration collective et commerciale, selon l’Ademe).
Faute de dispositif de suivi, difficile de connaître l’évolution de la situation. Les pouvoirs publics ont fixé en 2013 comme objectif de réduire de 50% le gaspillage sur l’ensemble de la chaîne alimentaire d’ici 2025, avant le vote d’une loi anti-gaspi en 2016.
A domicile en tout cas, l’expérimentation « montre qu’il est possible de réduire de beaucoup le gaspillage grâce à des gestes simples, » note l’Ademe.
« Surprise! »
Pour les particuliers, le plus dur est « la prise de conscience », qui « ne va pas du tout de soi », note Emily Spiesser, chargée de mission consommation responsable. « En France gaspiller c’est mal vu, personne n’a l’impression de gaspiller. Pourtant, quand on regarde de plus près, parfois ça peut être en petites quantités, mais mises bout à bout cela peut être important ».
Il y a aussi ces pertes moins visibles: les restes de soupe, le lait des céréales, les sauces…
Dorothée Cognez, salariée de Familles Rurales, une des trois associations partenaires de l’expérience, a participé « par curiosité », convaincue de « ne pas gâcher ».
« Grosse surprise! On était à 31 kilos par personne, au-dessus de la moyenne nationale! » Dans la poubelle ou l’évier partaient la bouteille de lait à moitié bue, « surtout des liquides, et du poisson ou de la viande encore emballés mais périmés ».
Cette famille de Seine-de-Marne a concentré ses efforts sur « la façon d’acheter: on fait des listes de courses, et on compte combien de repas prévoir dans la semaine. Avant j’achetais trop de choses. On est tombé à 18 kilos de déchet (par tête), moins 43%! »
Trois mois après la fin de l’opération, tous les foyers continuent à appliquer les gestes choisis, assure l’Ademe. Parmi les mieux ancrés: veiller à la conservation des aliments (en connaissant ses stocks au frigidaire et dans les placards). Celui jugé le plus facile par les participants: ne pas jeter ses restes.
On peut s’aider d’astuces suggérées sur le site https://zero-gachis-academie.fr/
Par exemple des recettes pour agrémenter ses restes. Ou des calculs simples pour préparer les portions justes.
L’Ademe met aussi en ligne mercredi un tutoriel d’auto-diagnostic.
L’enjeu n’est pas des moindres: prélèvement inutile de ressources naturelles, émissions de gaz à effet de serre évitables (3% du total en France), déchets supplémentaires…
Mondialement, 25% à 30% de la nourriture produite est « gaspillée ou perdue », soulignait cet été le Giec (experts climat de l’ONU) qui a placé la question au coeur de son rapport sur l’usage des terres.
© AFP – crédit photo: Fotolia