« Désolé mais …
Je m’en fous
Que tu t’ennuies
Que tes enfants tournent en rond
Que le télétravail soit compliqué avec tes gamins et ton mari
Que les devoirs soient trop difficiles
Que tu aies déjà pris 3 kg
Que ça t’embête de plus pouvoir aller faire du vélo
Que ta coupe de cheveux ne ressemble plus à rien
Que tu n’aies plus de fusilli barilla
Que tu aies déjà tondu le jardin 5 fois
Que tu aies vu toutes les séries de netflix
Que tu ne puisses pas rejoindre tes potes pour tailler le bout de gras
Que les JO soient reportés
Que le foot soit arrêté
Que ton chien n’ait qu’une heure pour pisser …
J’ai peur de ramener le virus à la maison, je n’ose plus embrasser mes enfants ni leur faire des câlins.
Je me demande même si je ne devrais pas vivre ailleurs pour quelque temps. Pour les protéger.
Mais c’est tellement douloureux.
J’ai peur de tomber malade .. pour moi ma famille et mes collègues que je laisserais tomber. J’ai peur car je commence à connaître cette maladie .. je commence à connaître les conséquences .. les ravages. Physique et psychologique.
Je me sent coupable de laisser ma fille me courir dans les bras et me serrer fort une fois rentrée à la maison.
A chaque fois que mon fils prend son biberon dans mes bras.. que j’ose lui faire un minuscule bisou dans ses cheveux blonds .. j’y pense.. ça me tord le bide.
On doit s’adapter et se réorganiser chaque jour.. chaque heure. L’épuisement psychologique , l’épuisement physique.. des heures à piétiner habillés, masqués..
Je ne dors plus, je suis en veille.. et je cauchemarde du boulot. Presque chaque nuit.
Le manque de matériel nous pend au nez.. nous en sommes horrifiés.
Heureusement que nous avons des dons pour pouvoir encore nous protéger.
C’est la France bordel, nous ne sommes pourtant pas en brousse merde !
Vivre les derniers instants de ces patients … c’est terrible.
Nous côtoyons la mort souvent, ça fait parti du métier .. nous nous sommes endurcis face à ça et la mort devient plus facile à vivre. Mais là… la mort est solitude …
Nous savons que vous monsieur, vous qui ne serez pas intubé parce qu’il est déjà trop tard .. nous savons que vous, vous ne reverrez jamais vos proches , qu’ils ne vous reverrons jamais, qu’ils ne pourront jamais vous retoucher, vous reparler. Choisir vos vêtements … prier à vos côtés .. vous tenir la main pendant ces quelques minutes ou quelques heures qu’il vous reste à vivre.. ils ne pourront peut être pas venir à votre enterrement.
Cette mort est solitude et déchirement.
Alors en rentrant on essaye de vivre normalement .. en faisant semblant.
Je suis infirmière et avec mes collègues, mes si chers collègues, nous combattons cette saloperie de maladie.
Après.. nous demanderons des comptes.
En attendant, prenez tout ça au sérieux. Respectez-nous, restez chez vous. »