Mi-janvier 2019, une plongeuse se filme en compagnie d’un grand requin blanc de 6 mètres de long, l’un des plus imposants individus de cette espèce jamais observés. Un moment qui semble magique… mais qui témoignerait d’une réelle inconséquence pour les scientifiques. 30millionsdamis.fr revient sur cette vidéo controversée.

Une séquence au caractère extraordinaire qui a provoqué l’émerveillement des internautes : la vidéo d’une jeune femme nageant avec un grand requin blanc au large d’Hawaï, partagée sur les réseaux sociaux ! Mannequin et instructrice de plongée, Ocean Ramsey présentait cette rencontre exceptionnelle comme un moment paisible et féérique. « C’était juste un beau gros et gentil colosse qui voulait utiliser notre bateau pour se gratter », expliquait-elle au journal Honolulu Star Adviser.

Des affirmations hâtives et incertaines ?

Accompagné de deux dauphins, le grand requin blanc venait se nourrir sur une carcasse de baleine à proximité de l’île d’Oahu. Sur son compte Instagram, la jeune femme affirmait qu’il s’agissait certainement de Deep Blue, une femelle âgée d’une cinquantaine d’années environ, marquée pour la première fois en 2014 puis filmée en 2015 au large du Mexique. En réalité, si Deep Blue a bien été aperçue et identifiée dans la zone quelques jours auparavant, selon plusieurs sources scientifiques, il est peu probable qu’il s’agisse du même individu sur cette séquence.

Certes, la jeune femme plonge depuis son enfance avec les requins et peut donc se prévaloir de plusieurs années d’expérience à leur contact. Toutefois, elle n’occupe aucun poste de chercheuse – contrairement à ce que plusieurs médias étrangers ont pu prétendre. En outre, les nageurs visibles à ses côtés sur la vidéo ne faisaient pas partie du groupe qu’elle affirme encadrer en tant qu’instructrice de plongée. Ceux-ci s’approchent donc du prédateur sans aucune supervision.

Un exemple dangereux, pour les Hommes… et pour les requins

« S’être mise en avant avec le requin dans la vidéo, plutôt que de montrer simplement l’animal entouré des dauphins, c’est cela qui pose un problème éthique. Le risque est de véhiculer une image faussée du requin, qui reste un prédateur », s’alarme Johann Mourier, chercheur au laboratoire CRIOBE à Perpignan (CNRS) sollicité par 30millionsdamis.fr.

Les faits semblent lui donner raison : suite à la diffusion de la vidéo, la carcasse sur laquelle se nourrissait le grand requin blanc a été « prise d’assaut » par des nageurs avides de rencontrer à leur tour le prédateur. « Le jour suivant, il n’y avait plus aucun requin sur site, probablement à cause de l’affluence », déplore le spécialiste des squales.

« Si des personnes peu expérimentées cherchent à faire la même chose, il y aura un incident. Or, en cas d’attaque, on réagit en abattant des requins. Ce sont donc eux qui paieront le prix », se désole Johann Mourier, qui rappelle que sur plus de 500 espèces de requins, seule une dizaine – y compris le grand requin blanc – présente un caractère potentiellement dangereux pour l’Homme.

En sursis à cause de la pêche, les requins ont un rôle crucial

« C’est un défi d’aider les gens à surmonter leur peur des requins, qui prend souvent racine dans des fictions qui les diabolisent », se justifie toutefois la jeune femme qui profite de sa popularité sur les réseaux sociaux pour sensibiliser au rôle crucial des requins dans les océans. Ces « superprédateurs » régulent les populations de poissons carnivores, ce qui évite que ces derniers ne se multiplient à l’excès et ne déciment leurs petites proies.

100 millions de requins sont tués chaque année (toutes espèces confondues), notamment pour récupérer leurs ailerons, consommés en Asie sous forme de soupe. Nombre d’entre eux meurent étranglés par les filets de pêche abandonnés, ou bien font partie des « prises accidentelles » piégées aux côtés des poissons ciblés par la pêche. Les experts de l’Union internationale pour la protection de la nature (UICN) estiment qu’un quart des espèces de requins et de raies sont menacées.