Jessore (Bangladesh) (AFP) – Il arrache le clou rouillé du tronc d’arbre et le laisse tomber dans son seau:, encore une monstruosité qu’il a effacée du paysage. Ohid Sarder mène une croisade en solitaire pour nettoyer le Bangladesh.
Défenseur convaincu de l’environnement, cet homme de 53 ans parcourt le pays à bicyclette afin de libérer les arbres des affiches et pancartes accrochées à leur tronc.
Au Bangladesh, il est fréquent que les arbres soient utilisés comme des espaces publicitaires gratuits. Sur certains arbres, chaque centimètre carré d’écorce ou presque est recouvert d’affiches.
Avec le temps, les pancartes se désintègrent mais les clous restent fichés dans le bois et Ohid Sarder s’est donné pour mission de panser les blessures des arbres.
« Ils vivent et ressentent la douleur tout comme nous », déclare à l’AFP ce pourfendeur de la pollution alors qu’il sillonne le district de Jessore, dans le sud-ouest du pays. « J’ai vu des arbres être tués par ces clous, j’ai vu combien ils souffrent à cause de ça ».
Ce maçon a grandi dans l’admiration de Jagdish Chandra Bose, un botaniste bengalais de premier plan qui écrivit sur les émotions des plantes dans les premières décennies du 20e siècle.
C’est sous son inspiration que M. Sarder a commencé à planter des arbres chez lui, dans le district central de Jhenaidag, et dans le district voisin de Jessore, une pratique qu’il a conservée toute sa vie.
Mais il s’est dit récemment que ce n’était pas assez et qu’il fallait protéger les végétaux existants.
Il sillonne donc les routes du Bangladesh – généralement en piteux état – armé de son vélo, d’un seau et d’une perche en métal prolongée de deux espèces de dents en pied de biche, qui lui permettent d’arracher les clous et les pieux des troncs d’arbres.
Depuis le début de sa campagne en juillet, il a collecté plus de 80 kilos de clous.
« Ca a l’air facile mais ça ne l’est pas. Il faut beaucoup d’efforts pour arracher un clou rouillé qui est là depuis des années », dit M. Sarder, dont l’épouse se plaint qu’il passe plus de temps à faire ce travail bénévole qu’à gagner de l’argent comme maçon.
Souvent, il retourne sur ses pas pour s’apercevoir que ses troncs bien-aimés ont été à nouveau défigurés par des clous et des affiches.
« Vous savez ce qui me fend le plus le coeur? C’est que la plupart de ces pancartes font de la publicité pour des médecins, des avocats, des enseignants. Ils sont tous bien éduqués, pourquoi diable ne peuvent-ils s’abstenir de détruire les arbres? », lance Ohid Sarder.
Son travail attire des foules de curieux. « Personne ne fait vraiment ce genre de boulot. Les gens croient que je suis fou », dit l’intéressé.
C’est pourquoi, dans une tentative de prosélytisme pro-arbres, il a accroché à l’avant de son vélo une pancarte pour expliquer leurs bienfaits et la nécessité de protéger la nature.
« Je fais de mon mieux pour expliquer l’importance d’avoir davantage d’arbres, afin d’inciter les gens à en planter d’autres et à en sauver encore plus ».
Il demande aux autorités d’interdire ces affichages sauvages, en vain pour l’instant, et jure qu’il continuera le combat, convaincu que les gens sont de plus en plus conscients du changement climatique et du besoin de protéger l’environnement.
Au Bangladesh, un pays pauvre de 160 millions d’habitants parcouru par les cours d’eau, les inondations sont fréquentes. Selon les spécialistes, les arbres permettent de minimiser les dégâts provoqués chaque année par les déluges car ils absorbent l’eau et empêchent les sols de s’éroder.
« Ce qu’on n’a pas compris, c’est que pour conserver l’équilibre de la nature, on a besoin de plus d’arbres », résume Ohid Sarder.
© AFP – crédit photo: AFP / REDWAN AHMED Ohid Sarder exhibe des médailles et certificats reçus pour ses bonnes actions en faveur des arbres, le 13 octobre 2018 à Jessore