Jean-Philippe de Tonnac, auteur, journaliste et enseignant, est parti à la rencontre de guérisseuses qui consolent et réparent les corps, les esprits et les âmes. Cette exploration intellectuelle et philosophique en terre méconnue s’est transformée en chemin initiatique. De rencontres troublantes en révélations, l’auteur a ouvert son regard et touché de son âme ce monde « invisible », ce monde qui nous pousse à grandir.

Ainsi est né le magnifique livre « Le Cercle des Guérisseuses », publié aux Editions Trédaniel.

Interview avec Jean-Philippe de Tonnac, à cœur ouvert.

Jean-Philippe de Tonnac, comment ce livre a-t-il germé dans votre esprit ?

Pour être le plus honnête avec vous et avec moi-même, je dirais que tout a commencé par une souffrance personnelle, une souffrance où venait se rencontrer plusieurs souffrances, comme c’est souvent le cas. Comme une rivière où confluaient plusieurs courants, si vous voulez. Au début de mon récit, j’évoque ces histoires personnelles, familiales, intimes. 

Le cœur se met alors à souffrir en silence et le corps à cette douleur fait caisse de résonnance. 

Vient s’ajouter à cette fragilité une difficulté à vivre dans une société qui a banni le mot « sens » de son vocabulaire. Nous passons tous notre vie à chercher une raison, un sens et nous nous bricolons des semblants d’horizons…

Et puis il y a cette sensibilité que j’ai toujours eu envers les femmes. Jacques Brel disait : « J’ai mal aux autres ». Je dirais pour ma part que « J’ai mal aux femmes ». 

Ce sentiment d’injustice à propos de la place de la femme dans notre monde est là, niché au plus profond de moi, depuis mon adolescence. Un sentiment de honte. Je porte ce féminin blessé en moi. Nous sommes une espèce qui a toujours eu honte de son féminin et qui l’a meurtri.

Or la réparation et la réhabilitation des femmes sont à mon sens les conditions indispensables si nous voulons que Sapiens se prolonge, se survive à lui-même.

Ma souffrance comme pour chacun d’entre nous est donc plurielle. J’ai travaillé ma vie durant je crois à lui donner des réponses, des apaisements. Ce voyage au pays des guérisseuses participe activement à cette démarche, en même temps qu’il veut rendre hommage à des femmes remarquables qui sont parvenues à se réparer, à guérir chez elles ce féminin blessé. 

 

Revenir à la source

Le début de l’histoire date de 2010, année où j’ai rencontré Marguerite Kardos, praticienne en énergétique chinoise, à Paris. 

Je trainais cette souffrance en moi, particulièrement vive à ce moment de mon chemin et cette femme m’a accueilli. Il faut donner ici toute sa signification au mot « accueillir » : elle a donné l’hospitalité à tout ce que j’étais, à la fois un individu isolé, mais en lien avec une famille ou fratrie, une communauté faite de vivants et de morts. J’ai commencé à réfléchir au sens profond du mot « guérison ». Le livre a pris racine dans ce regard rempli d’amour et de compréhension.

J’ai cherché des adresses, sollicité les amis, mon réseau. Chacun a souvent un « être miracle » à vous recommander, qui l’a sorti d’un bien mauvais pas. De fil en aiguille, j’ai rencontré plusieurs femmes qui se penchent sur les plaies de nos âmes ; femmes dont la vie est dédiée au travail de guérison qu’elles initient et favorisent chez leurs patients.

J’ai bénéficié de leurs soins. J’ai partagé leur histoire et leur quotidien. 

La guérison, explique l’une de ces femmes, c’est comme un pèlerinage. 

Le but – guérir – compte moins que le chemin que l’on entreprend sitôt qu’on perçoit la souffrance comme une incitation à se transformer. Ce qui compte réellement, c’est le chemin. 

Pas à pas, le processus de guérison apporte son lot de découverte et de compréhension. Marguerite Kardos dit : « la cause de la maladie est principalement le non-pardon à soi-même ou à quelqu’un d’autre ».

 

Vous avez vécu au plus près d’une dizaine de guérisseuses. Quels sont les points communs entre ces femmes admirables, ces servantes de la vie ?

Cette enquête a été marquée par plusieurs moments de grâce. J’ai rencontré une trentaine de guérisseuses (mediums, magnétiseuses, chamanes, ecothérapeutes, chercheuses en mémoire cellulaire…etc.) en France, en Suisse et au Canada. J’ai partagé leur quotidien, je me suis parfois « invité » plusieurs jours pour être au plus près de qui elles étaient. Il est probable que j’inspirais confiance à ces femmes qui ne savaient pas alors qui j’étais et surtout quel livre j’allais écrire sur elles. Elles ont pris un risque en ouvrant leur porte et en parcourant avec moi le livre de leur existence. Je les en remercie profondément. Sur ces trente femmes rencontrées, j’en ai conservé dix dont je fais le portrait, dont je raconte la manière de recevoir et de soigner. 

 

Mourir intérieurement pour renaître

Elles ont souvent eu en effet un parcours accidenté. Ces femmes investies d’une mission de guérison, de réparation, ont vécu une mort approchée ou symbolique nécessaire à leur renaissance.

C’est un peu comme si la personnalité qui se cristallise durant l’enfance et l’adolescence devenait un empêchement à toutes les autres potentialités qui sont en nous. 

À la suite d’un accident de parcours, souvent effroyable, cette structure identitaire vole en éclat. Tout ce qui était empêché se trouve libéré. 

Je pense à Véronique Bez, une médium qui a vécu dans sa chair un accident de voiture dramatique. Au terme de onze opérations chirurgicales, elle ne se reconnaissait plus dans le miroir ; quant à sa personnalité, il y avait eu un tel changement qu’elle avait du mal à comprendre le lien entre ce qu’elle était hier et ce qu’elle était devenue. Son aptitude à entrer en relation avec l’au-delà s’est manifestée durant cette mutation.

Toutes ces femmes ont traversé un cercle de feu afin de libérer le trésor qui sommeillait en elles.

 

Quels sont les moments clés de votre chemin de guérison ?

Lors de ma première rencontre avec Véronique Bez à Pertuis, dans le Vaucluse, elle est allée droit au but : elle m’a parlé de ma mère qui s’est suicidée en 2003. Je portais ce drame en moi sans avoir trouvé le courage ou les mots ou les rituels adéquats pour la laisser partir.

Au terme de la séance, elle m’a conseillé de faire un travail avec le père Mikhaël, un prêtre orthodoxe qui consacre sa vie à libérer les âmes et qui, dans certaines conditions, a recourt à l’exorcisme. 

Le père Mikhaël m’a tout de suite parlé de mon père, de ma relation avec cet homme que j’ai peu connu et à propos duquel il m’a invité à reconsidérer ma position. Il a effectué un véritable travail de réparation avec mon père et de libération avec ma mère.

Cette séance de quatre heures m’a apporté au fil des semaines et des mois qui ont suivi un profond apaisement. 

Je me suis rendu quelques semaines plus tard au Festival du chamanisme à Génac, en Charente, où se réunissent des guérisseurs, des chamans venus du monde entier.

Je souhaitais rencontrer Loumitea, une chamane québécoise rattachée par ses lignées familiales au monde amérindien. C’est elle qui est en couverture de mon livre, visage choisi parce qu’il exprimait quelque chose de ce que je cherchais à dire : la sagesse et la puissance du féminin. 

Loumitea a réalisé sur moi un travail de recouvrement d’âme qui corroborait à peu près tout ce que j’avais déjà glané et compris de mon histoire durant mes précédente séances avec d’autres guérisseuses. Le recouvrement est une technique de soin qu’on retrouve différemment pratiquée dans toutes les « nations » amérindiennes. Au cours d’un épisode particulièrement traumatisant, une partie de l’âme s’échappe, fausse compagnie et se réfugie dans l’invisible. Cette incomplétude est une souffrance dont souvent nous ignorons la cause et qui nous interdit d’embrasser la vie comme nous aimerions le faire.

 

Apaiser les vivants et les défunts

J’ai compris, à travers ces rencontres, qu’une grande partie de ce travail de réparation, de guérison était tourné vers celles et ceux qui étaient partis. C’est la révélation de cette enquête : nous formons une communauté faite de vivants et de morts ; se soigner c’est soigner tous ceux qui, dans cet ensemble, peuvent empêcher les autres de se bien porter. Passer de l’autre côté, les morts peuvent souffrir encore. Se soigner c’est souvent leur venir en aide. Le soin est une démarche altruiste en essence.

Les liens familiaux, les mémoires transgénérationnelles sont donc bien souvent au centre de nos blocages, de nos impossibilités d’accéder à la paix et à la joie intérieures. 

Durant ces différents soins, les guérisseuses m’ont aidé à me tourner vers ma mère en grande souffrance, à lui porter cet apaisement qu’elle n’avait pu trouver ni dans sa vie ni encore dans sa mort. Nous avons tous alors, nous qui la prolongeons ici, aujourd’hui, reçu les bienfaits de ce travail de réparation.

Le travail de guérison effectué durant 18 mois à travers toutes mes rencontres a permis une évolution et une croissance. C’est indéniable. 

Pour ne vous citer qu’un exemple. Je suis auteur, conférencier, enseignant. Curieusement, alors que je suis un homme de communication, j’éprouvais toujours une gêne affreuse à parler en public. Une perte de légitimité qui littéralement m’étranglait au moment de prendre la parole … Cette sensation a disparu. Je me sens davantage à ma place. La parole est plus fluide. Du coup, au lieu de me préoccuper de mes peurs, je peux être généreux avec les autres. 

Je m’occupe actuellement de la promotion du livre et, pour la première fois de mon existence, je vis cette confrontation avec le public avec tranquillité et par conséquent avec joie. 

Mon livre est un hommage à tous ces êtres admirables qui ont bravé les peurs, les regards et les souffrances parfois effroyables pour parvenir à ce qu’elles sont aujourd’hui, des femmes qui se penchent sur les plaies de nos âmes, qui essaient de faire en sorte que le « désir de guérison » l’emporte chez chacun et chez tous, collectivement, sur cet élan de destruction qui nous habite.

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Livre « Le cercle des guérisseuses », Jean-Philippe de Tonnac, éditions Trédaniel.

Jean-Philippe de Tonnac est écrivain, essayiste et éditeur. Son roman Azyme chez Actes Sud a obtenu le prix Écritures & Spiritualités 2017. Il est notamment l’auteur de René Daumal, l’archange (Grasset, 1998) ; avec Anne Brenon de Cathares : la contre-enquête (Albin Michel, 2008) ; avec Frédéric Lenoir de La mort et l’immortalité – Encyclopédie des savoirs et des croyances (Bayard, 2004) ; avec Roland Feuillas de À la recherche du pain vivant (Actes Sud, 2017). Il est éditeur pour la collection « Bouquins » (Robert Laffont), collabore régulièrement au Monde des religions, enseigne à l’Institut des hautes études du goût à Reims et au Cordon Bleu à Paris.

ANNE BOUQUET

Journaliste depuis une vingtaine d’années en presse écrite, j’ai mené une vie professionnelle classique : salariée d’un quotidien régional, d’une revue économique, de différents hebdomadaires locaux…

Une vie passionnante où j’ai eu la chance de rencontrer beaucoup de monde.

Curieuse de nature, passionnée par la vie, j’ai mis par la suite mes passions au premier plan : ésotérisme, parapsychologie, techniques de bien-être, culture, littérature…

Aujourd’hui, je travaille en tant que journaliste free- lance, pour des sites internet et des agences de communication.

Et puis j’écris des livres pour de belles âmes…

L’écriture est une énergie. À nous de la faire voyager, librement.

 

MA CONTRIBUTION AU JDBN:

« Partout dans le monde, derrière le langage courant- et souvent déprimant des médias- des hommes et des femmes de bonne volonté, font jaillir la lumière dans tous les secteurs de notre société.
Regardons- les, écoutons-les. Prenons exemple.
Le JDBN porte ces valeurs. Je suis aujourd’hui ravie d’accompagner ce média qui nous porte vers le haut. »

Anne Bouquet.