La résilience, cette capacité à surmonter un traumatisme profond, peut-elle être activée par chacun d’entre nous ?

Dans son second livre Les chemins de la résilience, Dorothée Leurent, rédactrice et productrice, a voulu explorer ce qu’était la résilience, sa culture, son histoire et comment se l’approprier ou se l’attribuer. Elle raconte l’histoires des célébrités qui ont connu la perte d’un enfant, tel que Victor Hugo, Mahler, Kipling mais aussi Pierce Brosnan, Clapton, Paul Newman ou Travolta et est partie à la rencontre des personnalités ayant subi la blessure du deuil.

Certaines se sont relevées et ont accepté de vivre une vraie métamorphose et d’autres n’ont pas supporté la douleur.

Un récit qui met en lumière la force de vie qui peut venir à nous, si nous l’acceptons.

Rencontre avec Dorothée Leurent

La perte de son enfant et avancer sur le chemin de la résilience… Vous avez vécu ce processus de perte mais aussi de renaissance. Racontez-nous votre cheminement.

Dorothée Leurent :

Pour écrire sur la résilience, je pense qu’il faut l’avoir vécue. J’ai raconté mon chemin, avec tout mon cœur, dans mon premier livre Tourne toi vers le soleil, en 2004. 

J’ai perdu mon fils dans un accident de moto. Il avait 29 ans.

La douleur était tellement forte que je ne comprenais pas pourquoi je n’en mourrais pas.

J’ai écrit sur cette souffrance. Au jour le jour, celle-ci change de couleur, de texture, de forme…

Je me trouvais dans une obscurité totale. Mes proches pensaient que je ne survivrais pas à ce drame. Moi, je m’étonnais au quotidien que mon cœur n’ait pas lâché, cette fameuse anamorphose du Tako-Tsubo, tant j’étais en mille morceaux.

Mais à un moment, la vie vous offre des opportunités, des grâces.

« La vie vient vous chercher ».

C’est d’ailleurs ce que j’ai voulu mettre en lumière dans ce second livre Les chemins de la résilience, à travers les parcours d’hommes et de femmes, qui sous leurs apparences de star, ont vécu la même séparation et la même obligation de se réinventer.

Pour en revenir à mon parcours personnel, un ami m’a tendu la main. Je l’ai acceptée.

C’est aussi cela la résilience : dire « oui » à l’aide que l’on vous apporte.  Il m’a guidée vers l’Inde où j’ai vécu dans un ashram.

Là, j’ai ressenti la lumière venir à mon contact.

Je me suis sentie traversée par des éclairs de joie, malgré moi, malgré tout.

« Ces éclairs de joie » dont parle Charles Pépin, philosophe et écrivain que je mentionne dans mon ouvrage.  La joie n’est pas le bonheur, elle est une ressource qui surgit et nous prend par surprise.

La vie me faisait des appels. Cet enveloppement de douceur et de spiritualité m’a ramenée tout doucement dans le monde des vivants.

Dans mon cas, je parle de l’Inde et de son énergie très particulière mais pour d’autres personnes, cet appel de la vie peut passer par une main qui se pose doucement sur l’épaule, un SMS qui apporte de la chaleur, un rire d’enfant, une éclaboussure de soleil…

Grâce à cet environnement bienveillant, j’ai su ouvrir mon regard et ma conscience et voir tous ces signes que la Vie m’envoyait.

Ce fut mon premier pas sur le chemin de la résilience.

Aujourd’hui, je présente mon second livre « Les chemins de la résilience, surmonter l’épreuve, aimer à nouveau la vie » et ce temps de partage est très important pour moi.

Car j’ai été guidée et poussée pour écrire ce livre. Il n’y a pas de hasard. Il est l’expression de l’une de mes missions : témoigner, partager, aider.

À ce propos, j’ai volontairement inscrit mon Courriel à la fin de mon livre, afin que les lecteurs puissent me joindre librement, pour exprimer leurs ressentis ou pour me faire part de leur expérience de vie.

Ce récit Les chemins de la résilience nous conduit dans l’intimité de personnages illustres de notre Histoire et de personnalités de notre époque, qui ont tous avancé vers le courage de vivre

Ce qui m’intéressait, c’était d’écrire sur l’après, sur la manière dont ils ont surmonté – ou non – cette terrible épreuve et sur ce que cela a changé en eux.

 

Vous avez rencontré des résilients qui ont vécu une « métamorphose » d’eux-mêmes. Qu’ont-ils en commun ?

Dorothée Leurent :

On peut en effet remarquer que les résilients que j’ai eu le bonheur de rencontrer ont eu plusieurs réactions similaires :  Ils ont su accepter la main qu’on leur tendait alors qu’ils étaient déchirés par leur douleur, ils se sont ouverts aux autres et ils se sont dirigés vers ce qui était essentiel pour eux car seul l’important reste après le deuil de son enfant.

Je pense à de nombreuses personnalités comme Patrick Poivre d’Arvor, qui a perdu trois filles, dont Solenn qui souffrait d’anorexie et qui a mis fin à ses jours.

Patrick a beaucoup écrit : Lettres à l’absente, Elle n’était pas d’ici. Il s’est aussi ouvert aux autres. Il a créé avec l’aide de Bernadette Chirac « La maison de Solenn », la première maison dédiée aux adolescents en Europe.

Même processus de vie chez Stéphanie Fugain qui a perdu sa fille Laurette d’une leucémie. Stéphanie m’a dit quelque chose de très juste : « Je savais qu’au milieu du trou noir, il y avait une petite flamme et que j’étais la seule à pouvoir la faire grandir ».

La vie est venue vers elle, par l’intermédiaire de proches comme sa meilleure amie, qui l’a vivement incitée à donner vie à l’association Laurette Fugain.

Stéphanie a accepté ce défi.

Le processus de la résilience a été activé : donner vie à quelque chose de beau, de constructif, de lumineux.

Stéphanie Fugain a mobilisé toute son énergie avec ses fidèles alliés, pour toucher le plus grand nombre en faveur du don de plaquettes. Comme elle me l’a précisé : « Le deuil vous oblige à aller vers votre mission de vie ou alors on s’effondre ».

J’ai échangé avec d’autres êtres tout aussi profonds et généreux les uns que les autres.  Patrick Chesnais dont le fils est décédé dans un accident de voiture : Suite à ce drame, Patrick a créé l’Association Ferdinand, lutte contre l’insécurité routière.

Albina de Boisrouvray, productrice de films, a perdu son fils dans l’accident d’hélicoptère (où se trouvaient Thierry Sabine et Daniel Balavoine) sur le Paris-Dakar en 1986.

Son fils, devenu le plus jeune pilote d’avion et d’hélicoptère en Europe, alors qu’il n’avait que 23 ans, avait accompli plus de 300 sauvetages.  Après deux années vécues dans la douleur et la torpeur, une main s’est approchée d’Albina de Boisrouvray. C’était celle de Bernard Kouchner qui lui a « ordonné » de l’accompagner sur une mission humanitaire au Liban. Ce fut un électrochoc. Depuis, Albina a sauvé de milliers de gens, elle consacre sa vie à aider ses semblables avec l’Association FXB International, qui œuvre en matière de développement durable aux quatre coins du monde.

Je remercie vivement chacune des personnalités présentes dans ce récit.  Elles ont exprimé du plus profond de leur être leur cheminement.

Patrick Poivre d’Arvor a eu la générosité de me préfacer ce livre, qui je l’espère touchera et aidera de nombreuses personnes.

Toutes ces rencontres nous rappellent que la vie trouve toujours un chemin pour nous faire avancer autrement et ce malgré notre tristesse parce que comme le dit Keanu Reeves : « Le chagrin change constamment de forme, mais ne disparaît jamais ».

 

Vous parlez aussi de personnalités non-résilientes, qui ont préféré mourir et rejoindre leur enfant disparu. Là encore, quels sont les points communs des non-résilients ?

Dorothée Leurent : Dans ce livre, j’ai souhaité faire une synthèse sur l’histoire de la résilience et interviewer des psychologues, experts en résilience, afin de comprendre quelles sont les conditions qui permettent de reprendre un nouveau développement après un traumatisme.

Albert Moukheiber, chercheur en neurosciences et psychologue clinicien, Jacques Lecomte, expert en psychologie positive et Charles Pépin, agrégé en philosophie et écrivain, nous donnent des pistes éclairantes.

Nous n’avançons pas dans la vie avec le même bagage familial, avec les mêmes structures et les mêmes repères.

Avec certains récits de vie, comme ceux de Romy Schneider, qui a perdu son fils David dans d’affreuses circonstances ou de Tina Livanos, (première épouse d’Aristote Onassis) dont le fils Alexandre est décédé dans un accident d’hydravion, nous assistons à la dérive de parents qui ont choisi de mettre fin à leurs jours.

« Pour faire le premier pas vers la résilience, il faut sans doute posséder une certaine cohérence en soi afin de rassembler les morceaux épars et pouvoir les ériger en rempart »

Nous pouvons remarquer que ces personnes avaient des blessures d’enfance extrêmement fortes, qu’elles pouvaient souffrir de solitude et de trahison depuis leurs jeunes années. Souvent, elles n’avaient pas pu se construire sur des fondations solides -telles que les notions de lien, de loi et de sens – pour résister à la plus grande des meurtrissures : celle de perdre un enfant.

 J’ai beaucoup de compréhension et d’amour pour ces personnes qui, à un moment donné, ont basculé et pensé : « stop, ça suffit, pas un pas de plus ».

Et pourtant, j’aime rappeler la phrase de Jacques Lecomte : « La vie trouve toujours un chemin ». Un jour ou l’autre.

Je reprends les mots de Patrick Poivre d’Arvor, qui a écrit dans la préface de mon livre : « Je ne sais pas si le courage existe, c’est davantage une prise de conscience, une succession de hasards, un faisceau de confluences qui font que soudainement, on peut aller de l’avant, saisir l’instant, prendre la barre et mener le combat ».

Car oui, la résilience est un combat de chaque instant et pas seulement un bon en avant qui vous libère de votre passé.

Propos recueillis par Anne Bouquet, en exclusivité pour le JDBN

Livre Les chemins de la résilience, surmonter l’épreuve, aimer à nouveau la vie, de Dorothée Leurent, préface de Patrick Poivre d’Arvor, Editions Le courrier du Livre.

Les droits d’auteur seront reversés aux associations citées dans ce livre.

LE LIVRE:

A propos d’Anne Bouquet…

Journaliste en presse écrite et rédactrice web depuis de nombreuses années,  j’ai mené une vie professionnelle classique : salariée d’un quotidien régional, d’une revue économique, de différents hebdomadaires locaux…

Curieuse de nature, passionnée par la vie, j’ai par la suite mis mes passions au premier plan : ésotérisme, parapsychologie, techniques de bien-être, culture, littérature…

L’écriture est une énergie. À nous de la faire voyager, librement.

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Anne Bouquet.