Saint-Jean-de-Fos (France) (AFP) – Miser sur la microporosité de poteries fabriquées à la main pour arroser jardinières, potagers et vergers: une petite entreprise de l’Hérault a remis au goût du jour un procédé millénaire qui permet d’éviter le gaspillage d’eau.
Le déclic se produit en 2013, quand deux ex-directeurs héraultais de structures médico-sociales voient un reportage sur ce système d’irrigation via des poteries enterrées au Maroc. En mars 2014, les deux compères, qui voulaient monter une « boîte éthique et sociale » créent dans le village médiéval de tradition potière de Saint-Jean-de-Fos, à 35 km au nord-ouest de Montpellier, une petite société avec un capital initial de 30 euros.
« On nous a pris pour des +frappadingues+, on est parti de rien, on a travaillé avec une potière du village qui est devenue notre chef de production, on a fait beaucoup de recherche et développement avec l’aide notamment de l’Institut européen des membranes et de l’Ecole nationale supérieure de Chimie de Montpellier », explique à l’AFP Frédéric Bidault, 56 ans, co-fondateur de Oyas environnement.
Existant de manière empirique depuis des millénaires en Chine, en Inde ou en Amérique latine, le système développé par l’entreprise héraultaise est basé sur trois phénomènes: la microporosité de la terre cuite, la capillarité et l’autorégulation. L’eau versée dans des poteries enterrées jusqu’au col ou plantées suinte et génère une zone d’humidité constante dans laquelle les plantes absorbent uniquement l’eau dont elles ont besoin. Avec à la clef de 50 à 70% d’économies en eau et un apport trois fois moins fréquent: le procédé répond à la multiplication des sécheresses et canicules mais aussi à la raréfaction de l’eau.
Face aux goutte-à-goutte en plastique, moins économes en eau, ce système est « made in France » avec un matériau 100% naturel et biodégradable. « Tout est fait localement à la main, c’est un sacré défi sur un grand volume », souligne Frédéric Bidault. La principale difficulté, dit-il, a été de trouver des tourneurs, un métier « en voie de disparition ».
Depuis 2014, l’entreprise est passée d’un local de 10 à 1.000 m2 et emploie 18 salariés travaillant quatre jours par semaine tout en faisant appel ponctuellement à 25 indépendants. En 2017, elle a ouvert son capital à ses salariés et aux potiers.
Séduite par les conditions de travail, Caroline Poulain, 34 ans, ex-potière indépendante dans un atelier-boutique du village, est désormais en CDI dans l’entreprise: « C’est une autre vie! », se réjouit-elle, « j’ai trois jours de week-end, des jours fériés, des vacances ».
Depuis 2014, 120.000 diffuseurs d’eau en argile fabriqués par Oyas environnement ont été mis en terre, dont certains ont été décorés par les potiers du village. 10% des ventes sont effectuées en direct, 45% via internet et 45% via des distributeurs, notamment deux grandes chaînes de jardinerie.
« On nous met maintenant dans la case des start-up innovantes au même titre que les entreprises du numérique mais avec un vrai marché, un chiffre d’affaires, une véritable production », s’amuse Frédéric Bidault.
Aujourd’hui la petite entreprise peine à répondre à la demande avec six fours qui tournent presque 24 heures sur 24. « On sait qu’on a une capacité de production d’environ 120.000 pièces par an », expliquent les dirigeants qui réfléchissent à la création d’unités de production dans le nord et l’ouest de la France.
Car du côté de la clientèle, les cabinets d’audit ont eu « tout faux »: ils avaient prédit des hommes, ruraux et méridionaux. Les « fans » se sont révélés être jusqu’ici des femmes, urbaines ou périurbaines, plutôt du nord de la France, du Bénélux, d’Allemagne et de Suisse.
L’entreprise ambitionne désormais de se développer en 2019 auprès des professionnels – maraîchers, fruitiers – à travers un système de diffuseurs d’eau « connectés ».
Ses deux fondateurs veulent « continuer à créer du réseau avec des entreprises solidaires, écolos » afin de « défendre collectivement une autre vision du monde ».
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© AFP – Un employé de la société Oyas environnement à l’oeuvre à Saint-Jean-de-Fos, dans l’Hérault, le 18 décembre 2018
© AFP PASCAL GUYOT