ENTRETIEN – Faire le tri dans ses affaires pour rendre services à ses proches après la mort : dans son bestseller la suédoise Margareta Magnusson livre les secrets pour ne laisser que le meilleur de soi à ceux qui restent.
Matthieu Maurer – Publié le 28 avril 2018 pour 18H39
“Comment mettre sa vie en ordre pour éviter à ses proches d’avoir à le faire ?” Voilà la question que s’est posée Margareta Magnusson, une Suédoise âgée “entre 80 et 100 ans”, comme elle l’écrit dans son livre “La vie en ordre” (Ed. Flammarion), qui paraîtra le 16 mai.
Cette réflexion qui n’a rien de morbide, est en réalité un concept que les Suédois connaissent sous le doux nom de “döstädning”, association du mot “mort” et de celui de “rangement”.
Rien de morbide puisqu’il faut le voir comme une version nordique et long-termiste de la méthode japonaise théorisée par la célèbre Marie Kondo. Le principe est à peu près le même : conserver les objets de la maison qui vous rendent heureux, qui ont une utilité attestée dans votre quotidien pour se débarrasser du reste, et ce, tout au long de la vie.
Au-delà, de l’injonction à mettre de l’ordre dans sa maison “pour mettre de l’ordre dans sa vie”, l’ouvrage de Margareta Magnusson est une réflexion joyeuse et apaisée sur la fin de la vie, le deuil et le rapport aux proches.
Pour faire simple, il s’agit de faire le tri avant que les siens aient à le faire après notre mort.
Vêtements, lettres, photographies, meubles : nous avons échangé par téléphone avec l’autrice pour qu’elle nous livre ses précieux conseils. Il n’est jamais trop tôt !
Le “döstädning” est une organisation personnelle, qui a pour vocation de rendre service à ceux qui nous entoure ?
Oui, c’est quelque chose que je fais pour moi bien sûr mais aussi pour ma famille. Lorsqu’on a plein de bazar dans sa maison dont on est incapable de se séparer, pourquoi est-ce que d’autre personne y parviendrait mieux que vous, une fois que vous ne serez plus là ? C’est vraiment une question que nous devons nous poser.
Mais il ne faut pas relier cela à la mort systématiquement, c’est avant tout un moyen d’organiser sa vie. Cela consiste à mettre sa maison en ordre, se débarrasser de ce qui n’est pas nécessaire. On peut commencer à s’organiser dès la trentaine !
Il faut s’y prendre tôt alors !
Si vous avez une maison qui est plutôt bien organisée tout au long de votre vie, alors ça ne sera pas un problème. Ce n’est pas quelque chose qu’il faut commencer au dernier moment effet. C’est pourquoi je suggère de nettoyer, ranger sa maison de temps à autre, le plus tôt possible.
Il ne s’agit pas de vivre sans rien mais de sélectionner les choses que vous aimez et dont vous avez besoin pour mener une vie confortable possible : un super grille pain ou un fer à repasser par exemple.
Si vous allez faire un tour dans votre grenier, vous allez prendre conscience de toutes les choses que vous avez accumulées et que vous avez oubliées. Si vous les avez oubliées, pourquoi les garder ?
Quelles sont les choses les plus difficiles à trier, à jeter ?
Les lettres et les photos très certainement. Bien sûr, vous ne pouvez pas vous en débarrassez quand vous êtes jeunes. Mais quand vous êtes aussi âgé que moi, certaines lettres, certaines photos vous rappellent d’heureux moments et sont particulièrement difficiles à jeter.
Pour y parvenir il faut faire participer votre famille, leur demander de les regarder, de prendre celles qui les rendent heureux aussi.
Vous précisez qu’il ne faut pas non plus que l’entourage se sente obligé de récupérer les biens dont on souhaite se séparer…
En gros ils ne doivent jamais se sentir obligé. S’ils ne veulent pas quelque chose, il faut leur faire comprendre qu’ils peuvent le dire. Cela ne sert à rien de les encombrer à leur tour en les forçant à garder des objets qu’ils ne souhaitent pas avoir.
Vous êtes vous déjà trompée ? Regrettez-vous certains objets dont vous vous êtes débarrassée ?
Non, pas du tout. Le seul problème c’est que parfois j’oublie ce que j’ai fait de certaines choses. Mais si je les ai oubliées cela veut dire que je n’en ai plus besoin et j’ai donc fait le bon choix.
Comment fait-on pour convaincre ses parents ou grands-parents de se délester ?
C’est très difficile. Je conseille de les accompagner dans leur grenier ou à la cave, pointer du doigt quelques objets et demander : “est-ce que tu as vraiment besoin de ça?”, “est ce que tu aurais besoin de moi pour te débarrasser un petit peu des choses dont tu n’as plus besoin?”.
Et puis, il faut leur rappeler que ça prend du temps et de l’énergie de prendre soin de toutes ces choses. Ça prend la poussière !
Au-delà du rangement et de l’organisation, c’est aussi un livre sur la préparation de la perte d’un proche et du deuil.
Oui, une fois que vous êtes parti-e, celles et ceux qui restent auront beaucoup d’interrogations qu’ils ne sauront pas résoudre. C’est dommage de ne pas prendre le temps d’expliquer à vos proches ce qu’ils doivent faire avec ce que vous possédez.
Il faut parler de ces choses là, la manière dont vous imaginez vos funérailles également. Ça leur rendra service au moment venu.
Vous êtes une minimaliste ?
Non pas du tout, j’adore les objets ! Quand les gens viennent chez moi, ils sont étonnés par le nombre de choses que je possède mais je les garde justement parce que j’ai de la place pour eux. En plus, ils sont petits et sont faciles à déplacer.
Vous expliquez qu’acheter trop de choses est mauvais pour la planète. Trouvez-vous que l’on achète plus de choses dont on a pas besoin de nos jours ?
Oui j’en suis convaincue, et c’est inquiétant vraiment. On passe notre temps à consommer, à acheter. Regardez toutes ces boutiques de vêtements, c’est fou ! On accumule des choses dont on a pas besoin, ce n’est pas bon pour la planète.
Après, je ne dis pas non plus qu’il faut arrêter de produire, ce n’est pas bon non plus. Mais il faut parvenir à trouver un entre deux. Une consommation raisonnée.
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