Alexandra Kazan rend un vibrant hommage à son père Lionel Kazan, à l’occasion d’une exposition magique qui aura lieu à Nice au Musée de la Photographie du 4 Février au 21 Mai 2023.
Autoportrait. New York. Vers 1959-60. © Lionel Kazan
 
Un Rendez-Vous à ne pas manquer si vous avez la chance d’être dans le Sud de la France.

L’exposition Lionel Kazan « Un Air du Temps » embrasse la mode des années 1950 et 1960 à travers 80 photographies, une sélection de magazines de mode et des audiovisuels inédits.

Lionel Kazan (1930-2016) est un photographe de nationalité monégasque d’origine russe qui a travaillé entre Paris et New York. Pour la première fois, sont réunies ses photographies réalisées pour les magazines de mode français (Elle, Nouveau Femina, Marie Claire) et américains (Vogue, Glamour, Harper’s Bazaar).

Également portraitiste, Lionel Kazan a photographié des personnalités des arts, stars du grand écran et de la chanson, parmi lesquelles François Périer, Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, Jean Seberg, Jane Fonda, Monica Vitti…

Nous avons eu le plaisir de nous entretenir avec sa fille, Alexandra, pour nous en dire un peu plus…

Jean Seberg. Juillet 1957. © Lionel Kazan

Rencontre avec une femme solaire, habitée par la mémoire artistiquement majestueuse de son père.

 

Le JDBN: Lorsque vous évoquez votre père, vous dites « Ce père aimé et mystérieux…  » 
 
Alexandra Kazan: Mon père ne parlait qu’extrêmement rarement de son travail à la maison. Nous savions qu’il était photographe de mode, bien sûr, mais ce n’était pas un sujet de conversation .. Mon père était un homme très discret, plutôt que mystérieux.
La vie professionnelle était une chose, la vie familiale une autre.
Il prenait nos études très au sérieux, et se montrait assez rigoureux, même lorsqu’il y avait des « shootings » (prise de vue – séance photo) à la maison, dans son studio, au dernier étage de la maison, et que nous pouvions voir des créatures de rêve aller et venir.

Et puis la photo de mode, c’était un boulot ; je crois que ni lui, ni ses contemporains photographes, ne se rendaient compte de la valeur de ce qu’il faisait, ne serait-ce qu’en terme de témoignage d’une époque, de la place de la femme dans la société d’alors, et de l’évolution de la mode, d’une forme de libération de la femme, par le vêtement, entre autre. C’est ce que nous avons essayé de transcrire, dans l’exposition.
Un grand Merci à Sylvie Marot, curatrice de l’exposition, pour son formidable travail.
Pia Kazan en Hannah Troy. Harper’s Bazaar, mars 1965. © Lionel Kazan
 
Le JDBN: Quelles relations entreteniez-vous avec votre père?
 
Alexandra Kazan: Ça dépendait … Mon père pouvait être très tendre, c’était quelqu’un de très élégant, et pudique, qui pouvait être très drôle. Mais, tempérament slave oblige, ça pouvait « swinguer » !
Guðrún Bjarnadóttir Bergese vers 1965. © Lionel Kazan
 
Le JDBN: Une mère mannequin et un père photographe… Vous êtes tombée dans la marmite artistique 😉 Était-ce une évidence?
 
Alexandra Kazan: Oui, nous avons baigné dans une ambiance créative, mon frère et moi. C’était maman qui amenait le côté bohème, fun, mais mon père n’était pas en reste ! Mes parents recevaient beaucoup à l’époque, il y avait beaucoup d’artistes, comédiens, réalisateurs, photographes.. nous n’avons pas eu une enfance banale, ça non !
Pia Kazan. © Lionel Kazan.
 
Le JDBN: Vos parents vous encourageaient-ils?
 
Alexandra Kazan: Pas vraiment, mais je sais qu’ils étaient heureux de me voir m’épanouir.
Livre
 
Le JDBN: Quel est le rêve que vous n’avez pas encore réalisé artistiquement?
 
Alexandra Kazan: Oh il y en a tant ! En ce moment, je travaille sur un tour de chant.
J’ai toujours aimé chanter, même s’il n’y a jamais eu d’album ou de carrière de chanteuse… pour l’instant.
J’ai ma petite chaine youtube,  je me produis artisanalement. Il y a un joli clip, réalisé par une jeune réalisatrice talentueuse, Marine Sans. C’est avec elle que nous avons travaillé pour l’interview de Claude Brouet, grande papesse de la mode, et le montage d’images pour recréer l’ambiance boîte de nuit de chez Régine’s dans les années 60 pour l’exposition de Nice. 
Pia Kazan. Van Cleef & Arpels. Vogue Paris, 12 décembre 1960.
© Lionel Kazan / Vogue Paris
 
Le JDBN: Vous êtes maman, quelle éducation donnez-vous à votre fille par rapport à l’art en général?
 
Alexandra Kazan: J’ai voulu développer chez elle, son regard sur tout ce qui touche au monde artistique. Aiguiser son « oeil », sa curiosité, sa sensibilité. Elle n’a jamais voulu devenir comédienne, mais elle fait de très belles photos .. 🙂 
Bettina Graziani. Portugal. 1955. © Lionel Kazan
 
Le JDBN: Qu’est ce qui vous fait craquer chez un artiste?
 
Alexandra Kazan: Sa fragilité… Son honnêteté … C’est une force incroyable de juste être, être juste … ne pas trafiquer, ne pas « minauder » … ç’est une force ! 
Sophie Litvak en Jean Dessès. Couverture du Elle, 20 avril 1955. © Lionel Kazan / Elle France
 
Le JDBN: Si vous deviez décrire votre enfance, vous sentiez-vous protégée, privilégiée? 
 
Alexandra Kazan: Indéniablement privilégiée … Et je remercie chaque jour, mes parents et mes grands parents ! Mes grands-parents maternels étaient des émigrés italiens, mes grands-parents paternels, des émigrés russe-polonais … Ils se sont construits, dans des pays qui n’étaient pas les leurs, ils se sont battus pour se faire un place au soleil, je sais ce que je leur dois.
Bettina Graziani en Christian Dior. Nouveau Femina, mars 1955.
© Lionel Kazan
 
Le JDBN: Si votre père peut vous voir et vous entendre d’où il est, qu’aimeriez-vous qu’il vous dise?
 
Alexandra Kazan: J’aimerais qu’il se sente fier, et heureux du chemin qu’il a parcouru, et de ce qu’il nous laisse en héritage. Cette exposition, ici, à Nice, ville où il a passé une partie de son enfance, autour de l’église orthodoxe St Nicolas, avec toute cette communauté russe déracinée, est un hommage très important symboliquement.
Je pense qu’il dirait « Eh bien ma fille, Bravo » !  Je crois que jamais, dans ses rêves les plus fous, il n’aurait imaginer cet évènement autour de ses photos.
 
Le JDBN: Que vous souhaitez-vous pour la suite? 
 
Alexandra Kazan: Pour mon père, une expo à Paris, une expo à New York ! La boucle serait bouclée ! Pour moi, un beau projet de théâtre, des petits concerts !
 
Propos recueillis par Sophie Denis, en exclusivité pour le JDBN.
Nouveau Femina, juillet 1954. © Lionel Kazan
 
Tout savoir sur l’exposition: Lionel Kazan – Un air du temps
 

« Mon père est né Lev Danielevitch Kazantzeff.

Pour mon frère et moi, c’était Daddy.

Pour ma mère, Pia Rossilli-Kazan, c’était Liova.

Pour le métier, c’est Lionel Kazan.

J’ai voulu redonner vie à ses photos, les remettre dans la lumière.

Les voici. » Alexandra Kazan

Dates: Du 04 février au 21 mai 2023.

Lieu: Musée de la Photographie Charles Nègre de Nice

Liens: www.museephotographie.nice.fr

Instagram: museephotonice

A la suite de l’exposition de Nice, Lionel Kazan sera exposé à la Villa Les Camélias au Cap d’Ail.

Les photographies de mode de Lionel Kazan ont valorisé les robes des grands couturiers français, de l’âge d’or de la haute couture à l’essor du prêt-à-porter, du New Look de Christian Dior au smoking d’Yves Saint Laurent, en passant par le sulfureux bikini.

Témoin de l’évolution de la condition féminine, Lionel Kazan rend compte de cette (r)évolution sociétale accompagnant l’ouverture du studio sur la ville, la campagne, l’étranger : Paris, capitale de la mode, les temples grecs ou les plages portugaises deviennent de formidables terrains de jeu. Progressivement, la silhouette figée et l’infime détail des années 1950 sont abandonnés pour exprimer la liberté de mouvement et le style.

Des vidéos redonnent vie à cette époque. Un « film d’actualité » de la Gaumont de 1953 dévoile les coulisses de la fabrique des images ; un entretien exclusif avec la journaliste Claude Brouet fait revivre son expérience avec le magazine Elle ; l’émission culte Dim Dam Dom met en scène Lionel Kazan en train de photographier son épouse et mannequin Pia Rossilli ; un diaporama rend compte de l’ambiance festive d’une séance photo mythique effectuée dans un des célèbres clubs de Régine en 1966 pour Yves Saint Laurent.

D’un continent à l’autre, d’une décennie à l’autre, Lionel Kazan a mis dans la lumière toutes les élégances. Au-delà d’une maîtrise de la composition, ses plus beaux clichés sont ceux où il fixe l’instantanéité du mouvement, la vibration de la lumière et le grain du noir.

Lionel Kazan En dix dates:

1930, le 9 mai – Naissance de Lev Danielevitch Kazantzeff à Monaco.

1942 – Rencontre sur la Côte d’Azur avec le réalisateur et photographe Marc Allégret qui lui offre son premier appareil photo. Début d’une vocation pour les arts de l’image découlant sur une formation à l’École Technique de Photographie et Cinématographie à Paris — actuelle ENS Louis-Lumière.

1947 – Début chez Condé Nast France comme laborantin chez Vogue à Paris. Cecil Beaton exigeait « Leon Kazantzeff » pour ses tirages. En 1951, première photo publiée dans Vogue Paris.

1953, 20 avril – Première couverture pour Elle. Entre 1953 et 1967, il signe 98 couvertures. Une 99e couverture, avec le couple Simone Signoret et Yves Montand, est publiée en 1985 en hommage à l’actrice.

1954, mars – Publication du « Retour de Mademoiselle Chanel » dans le premier numéro du mensuel Nouveau Femina.

1956 – Départ pour les États-Unis pour intégrer le groupe américain d’édition de presse Condé Nast. Il dispose de son propre studio à New York au 480 Lexington Avenue.

1959 – Mariage avec la mannequin Pia Rossilli (1937-2020). Le couple donne naissance à deux enfants : Alexandra et Daniel.

1960 – Rupture du contrat avec Condé Nast pour collaborer avec le rival de Vogue, le Harper’s Bazaar (Hearst Corporation).

1964 – Retour en France. Parution d’un reportage réalisé en U.R.S.S. Début de la collaboration avec le magazine Marie Claire. Au milieu des années 1970, Lionel Kazan se consacre pleinement à la peinture.

2016, 16 février – Décès de Lionel Kazan à l’âge de 85 ans à Monaco.

En ces temps troublés et souvent maussades, quelle bonne idée que d’aller apprécier le travail d’un artiste, magicien de la photo. Et lorsque c’est sa propre fille qui organise cette magnifique exposition, vous ne pourrez qu’être comblés par la sincérité et l’amour qui transpirent à travers ses belles créations.

source: JDBN – crédits photos: Avec l’aimable autorisation d’Alexandra Kazan.