Le 21 décembre approche, date du solstice d’hiver.
Solstice est le nom donné à cette période particulière de l’année où, dans le ciel, le Soleil, arrête de prendre de la hauteur et garde quelques jours sa position pour un même moment de la journée. Le mot « Solstice » est un mot latin « solstitium » issu d’un néologisme que l’on doit à Pline l’Ancien. Il compile les mots sol, « soleil », et statum venant de stare, « se tenir debout, demeurer immobile ». Déjà au Ier siècle av. J.-C., on lui donnait le sens tel que l’on conçoit encore aujourd’hui.
Dans l’Égypte antique, d’après l’historien grec antique Hérodote, il correspondait à peu près au gonflement des eaux du Nil et marquait le début d’une nouvelle année fertile. Pour certaines tribus d’Amérique du Nord, on le célébrait par une Danse spécifique qui traduisait un renouvèlement sincère d’attachement à une foi mystique. Dans les croyances celtiques, au nord de l’Europe, il est appelé « litha », jour où les mages devaient récolter des herbes magiques, pour un cérémonial dédié à la nature… Et dans d’autres endroits du globe, dans d’autres périodes, de l’Inde en Birmanie, du Népal à l’Empire Inca, on le célèbre par de somptueuses fêtes.
Un peu de mécanique céleste…
A la lumière de l’astronomie, le solstice, vu comme un phénomène physique observable, a été identifié depuis l’Antiquité, avant même que Pline l’Ancien lui donne son nom définitif, certains écrits d’astronomes grecs mentionnent ce fait. L’astronome Claude Ptolémée, au IIe siècle après J.-C., avait proposé une méthode de datation des solstices.
Le solstice est associé à la dynamique d’un angle appelé la déclinaison. Sur plusieurs jours, avant et après le solstice (repéré comme tel), on mesure cette déclinaison correspondant à l’angle que forme la direction Terre-Soleil par rapport au plan de l’équateur terrestre. On la mesure à l’aide d’un astrolabe.
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Dès que l’on trouve deux jours non consécutifs possédant la même valeur de déclinaison, on conclut que la date du solstice se trouve à mi-chemin entre ces deux dates. Ptolémée avait compris le côté cyclique du solstice sans connaître les complexités de la mécanique céleste. Les méthodes de calcul héritent bien évidemment des avancées de la compréhension du ciel.
Pour comprendre la « physique » du phénomène, on peut se référer aux paramètres de Milanković dans la perspective de sa théorie astronomique des paléoclimats. Notre propos n’est pas d’expliquer les variations cycliques du climat terrestre mais d’identifier les paramètres clés de la mécanique céleste pour comprendre le solstice. Milanković identifie trois paramètres dans sa théorie : l’excentricité, la précession et l’obliquité.
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La Terre décrit, dans le plan de l’écliptique, une orbite elliptique autour du soleil. Son excentricité définit la forme de l’orbite, elle-même conditionnée par l’interaction gravitationnelle qui lie la Terre au Soleil, décrite par les lois de Newton. Dans le cas de la Terre, l’excentricité est tellement faible qu’on peut supposer l’ellipse très proche d’un cercle.
Par ailleurs, notre planète Terre est une immense toupie, soumise au mouvement de précession. Laissez la Terre tourner 25785 ans et vous constaterez que l’axe perpendiculaire au plan de l’écliptique a décrit un cône de 23,43° de demi-angle au sommet.
Toutefois, le paramètre qui permet de mieux comprendre le solstice est sans nul doute l’obliquité, encore appelée inclinaison de l’axe. Cela représente l’angle entre l’axe de rotation de la Terre et un axe perpendiculaire au plan orbital. C’est ce qui explique pourquoi il faut différencier l’équateur céleste et le plan de l’écliptique qui serait l’équateur céleste s’il n’y avait pas d’obliquité… Inclinaison naturelle et déplacement de la planète sur son orbite sont à l’origine de la succession des saisons.
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Ainsi, pour la Terre, de mars à septembre, le Soleil est plus haut à midi dans le ciel pour la partie nord du globe que pour la partie sud : c’est l’été dans l’hémisphère Nord. Les rayons solaires arrivent sur Terre avec un angle plus proche de 90°, une surface reçoit plus de rayons lumineux qu’à midi dans le sud à la même époque. Autre effet de l’inclinaison, le Soleil se lève plus tôt, se couche plus tard, et les jours sont de fait plus longs.
Les rayons solaires dans l’hémisphère Sud sont beaucoup plus inclinés et irradient une plus grande surface, occasionnant moins de chaleur par unité de surface : c’est l’hiver. Le Soleil paraît aussi plus bas sur l’horizon et les jours sont plus courts, avec un astre qui se lève plus tard et se couche plus tôt. Ces effets sont d’autant plus prononcés que la latitude de l’observateur est grande. À l’équateur, l’effet est d’ailleurs très faible, et la durée du jour et de la nuit ne varie presque pas. Aux pôles, a contrario, l’effet est extrême, si bien que le jour et la nuit y durent six mois chacun.
Revenons au solstice
On comprend, à ce stade, que quatre points particuliers peuvent être définis sur la trajectoire d’une planète en fonction de son inclinaison.
Lorsque le côté nord de l’axe de la Terre penche vers le Soleil, c’est le solstice de juin, considéré comme le jour le plus long pour l’hémisphère Nord. Le Soleil à midi est au zénith du tropique du Cancer, correspondant à une latitude de 23,2612° nord (proche de la valeur maximale de la déclinaison). C’est le jour le plus court pour l’hémisphère Sud ;
Lorsque le côté sud de l’axe de la Terre penche vers le Soleil, c’est le solstice de décembre, le jour le plus court pour l’hémisphère Nord. Le Soleil à midi est au zénith du tropique du Capricorne, qui a une latitude de 23° 26 » 12″ sud (proche de la valeur maximale de la déclinaison).. C’est le jour le plus long pour l’hémisphère Sud ;
Les deux autres points correspondent aux équinoxes de printemps et d’automne. La durée des jours est égale à celle des nuits, au nord comme au sud, et le Soleil à midi est au zénith de l’équateur.
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Définissons à présent l’angle de déclinaison, évoqué plus haut dans la démarche de Ptolémée. L’angle que fait l’équateur terrestre avec la direction Terre-Soleil est précisément nommé déclinaison. Cet angle varie tout au long de l’année de façon symétrique de -23,43° à +23,43°. La déclinaison est maximale au solstice d’été et minimale au solstice d’hiver. Elle est rigoureusement nulle aux équinoxes.
On comprend donc que le solstice est l’un des moments où la déclinaison du Soleil semble constante. À ces instants, sa trajectoire apparente atteint son point le plus haut (ou le plus bas) par rapport aux étoiles. Cependant, en raison de la nature quasi circulaire de l’orbite de la Terre, induisant une variation de vitesse de révolution de cette dernière (la Terre, dans son manège céleste), le jour du solstice ne correspond pas en réalité au jour où le Soleil se lève et se couche le plus tard (ou le plus tôt). Pire que cela, ce que l’on observe c’est que le créneau de la journée pendant lequel le soleil est visible se décale légèrement, entre mi-décembre et début janvier ainsi qu’entre mi-juin et début juillet ; si bien que pendant ces périodes, le raccourcissement puis le rallongement (ou l’inverse) de la durée de visibilité du soleil ne se fait pas par des variations symétriques concernant le lever et le coucher du soleil(https://www.youtube.com/watch ?v=btcTfor-j-c)
À quelle(s) date(s) faut-il réellement fêter le solstice ?
Comme l’explique l’Institut de mécanique céleste et de calcul des éphémérides (IMCCE) de l’Observatoire de Paris, les dates des solstices d’été ne tombent pas forcément un 21 juin. En calculant la position dans le calendrier grégorien des solstices d’été de 1583 à 2999, l’IMCCE pointe du doigt le fait que certains tombent un 20 juin, comme en 2016 et comme ce fut le cas en 2020. Les chercheurs précisent même qu’après 2488, l’événement aura lieu le 19 juin. Par le passé, on avait déjà constaté ce fait. En 1975, le solstice d’été est tombé un 22 juin et… on n’est pas près de retrouver cette date de solstice d’été avant 2203 !
Pourquoi ce décalage ? En fait, c’est une histoire de choix de calendrier… Notre calendrier grégorien, qui date de 1582 et qui a instauré une année bissextile tous les 4 ans n’est pas « en phase » avec la dynamique céleste de notre planète… Les 365 jours de l’année « civile », ne correspondent pas réellement au temps mis par la Terre pour faire une révolution autour du Soleil (soit précisément 365 jours, 5 heures et 48 minutes).
Finalement, de manière contre-intuitive, on comprend que les solstices ne sont pas liés à la distance entre la Terre et le Soleil, variable même si l’excentricité orbitale est proche d’un cercle (faisant de la distance Terre-Soleil, un « quasi » rayon de cercle). La Terre atteint son aphélie (position la plus proche du Soleil) au début juillet et son périhélie (position la plus éloignée du Soleil) au début janvier. Cependant, comme le montre la théorie de Milanković, en mécanique céleste, tout bouge lentement (rapportée à la vie des Hommes), mais rien n’est figé. Ainsi, attendons-nous à ce que l’obliquité de l’axe terrestre et l’excentricité orbitale terrestre évoluent au fil du temps.
Dans 10 000 ans, le passage au périhélie se produira au même moment que le solstice de juin, et le passage à l’aphélie lors du solstice de décembre. On fêtera donc ces deux évènements conjointement. Deux bonnes raisons de faire la fête ! Où alors, dans 10 000 ans c’est sur Mars que nous fêterons le solstice. Avec son obliquité équivalente à la nôtre, mais on excentricité la plus forte du système solaire, l’année martienne dure 687 jours terrestres, les saisons sont très longues. « Mars, nous voilà » comme dirait récemment Elon Musk.
Waleed Mouhali, Enseignant-chercheur en Physique, ECE Paris
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. crédit photo: @ La Chaîne Météo