Le 1er mai 2020, Shenzhen et Zhuhai deviendront les premières villes chinoises à interdire la consommation de chiens et chats. Et le gouvernement a lancé jusqu’au 8 mai une consultation publique pour les sortir de la liste des animaux pouvant être élevés pour leur viande, leur fourrure ou à des fins médicales. La Fondation 30 Millions d’Amis espère que ces signaux témoignent d’une véritable évolution des moeurs, qui mettront également un terme définitif au cruel festival de Yulin où des milliers de chiens sont tués pour être consommés.
« Avec les progrès de la civilisation humaine, la préoccupation et la préférence du public pour la protection des animaux, les chiens sont passés des animaux domestiques traditionnels aux animaux de compagnie. Les chiens ne sont généralement pas considérés comme du bétail et de la volaille dans le monde, et la Chine ne devrait pas non plus les gérer comme du bétail. »
« C’est une étape historique et importante »
Cette déclaration publique émanant du ministère de l’Agriculture et des Affaires rurales en Chine – impensable il y a encore peu – n’est pas une interdiction nette de la consommation de viande de chiens ou de chats, mais constitue assurément un progrès. « C’est un soulagement de vivre cette reconnaissance de la part du gouvernement chinois, se réjouit sur 30millionsdamis.fr Suki Deng, directrice du programme pour le bien-être des chiens et des chats en Chine en faveur de l’ONG Animals Asia. C’est une étape importante qui est franchie pour que les chiens puissent prendre la place qui leur revient : celle de compagnons. »
« Ceci est historique et important parce que généralement le gouvernement national en Chine ne fait aucun commentaire sur cette question controversée, renchérit pour 30millionsdamis.fr, Wendy Higgins, porte-parole de l’ONG de protection animale Humane Society International (HSI). Et il n’a jamais explicitement déclaré que les chiens sont des animaux de compagnie et non « du bétail ». Avec cette déclaration, cela pourrait encourager les régions chinoises de suivre l’exemple de la ville de Shenzhen et interdire de manger des chats et des chiens. »
Shenzhen, ville pionnière ?
‼️Shenzen deviendrait la 1ère ville chinoise à interdire la consommation de chien & de chat👍🏽
« C’est peut-être un tournant dans ce commerce brutal, qui tue environ 10 millions de chiens et 4 millions de chats en Chine tous les ans », indique @HSIGlobalhttps://t.co/38YppC8QNI— Fondation 30 Millions d'Amis (@30millionsdamis) April 3, 2020
Shenzhen, ville tentaculaire de plus de 12 millions d’habitants au nord de Hong-Kong, est en effet la première à interdire complètement la consommation de viande de chat et de chien. Pour le législateur chinois, la nouvelle loi qui entrera en vigueur le 1er mai 2020 est considérée comme « une exigence de civilisation universelle pour les sociétés modernes ».
La décision de Shenzhen pourrait avoir un effet domino avec d’autres villes.
Peter Li – HSI
« Avec Shenzhen qui a pris la décision historique de devenir la première ville de Chine continentale à interdire la consommation de viande de chien et de chat, cela pourrait vraiment être un moment décisif dans les efforts pour mettre fin à ce commerce brutal qui tue environ 10 millions de chiens et 4 millions de chats en Chine chaque année, estime le Dr Peter Li, spécialiste des politiques chinoises pour la protection des animaux. La majorité de ces animaux de compagnie sont volés dans les cours arrières ou saisis dans les rues, et sont emportés à l’arrière des camions pour être battus à mort dans les abattoirs et les restaurants à travers la Chine. Shenzhen est la cinquième plus grande ville de Chine, même si le commerce de viande de chien y est relativement faible par rapport au reste de la province, sa véritable signification est qu’elle pourrait inspirer un effet domino avec d’autres villes. »
Le Covid-19, accélérateur d’une prise de conscience en faveur des animaux
Signe de cet « effet domino », la ville de Zhuhai, au sud de la Chine à la frontière de Macao, a décidé d’emboîter le pas à Shenzhen en se positionnant également contre la consommation de chiens, de chats et d’animaux sauvages et en proposant une loi pour les classer comme animal de compagnie (16/4/2020). « Les chiens et les chats n’ayant pas été inclus dans le répertoire qui décide le type de viande légalement commercialisée et consommée, la ville a décidé d’en interdire la consommation », a justifié sur China News, Yong Ling, superviseur de la commission des affaires juridiques à la municipalité de Zhuhai. D’après l’agence de presse Xinhua, « les contrevenants seront passibles d’une amende pouvant aller jusqu’à 20 fois la valeur de la viande ».
L’émergence de lois améliorant la protection des animaux semble inévitable.
Suki Deng – Animals Asia
« Le choc provoqué par la pandémie du Covid-19 a poussé bon nombre à repenser la protection des animaux sauvages, du point de vue de la santé humaine, explique Suki Deng d’Animals Asia. A partir de notre expérience de plus de 20 ans sur le terrain, nous avons pu voir des changements de comportements envers l’ensemble des animaux ; que ce soit de l’opinion ou du côté du gouvernement. Que des lois relatives à la protection des animaux soient progressivement améliorées semble inévitable. »
Une évolution qui se perçoit dans la population où chiens, chats et même certains NAC sont de plus en plus considérés. « Nous observons cette tendance où les animaux sont vus comme des membres de la famille à part entière, note pour 30millionsdamis.fr, Mary Peng, fondatrice du centre international des cliniques vétérinaires de Beijing. Les familles qui adoptent un animal développent un lien humain-animal intense, qui crée un attachement profond. Et sur le terrain nous remarquons que de plus en plus de personnes sont sensibilisées au bien-être animal. »
En Chine, la viande de chiens perd des adeptes… y compris à Yulin !
Ces signaux positifs interviennent à quelques semaines du début du cruel Festival de Yulin (du 21 au 30 juin 2020), la fête de la viande de chien. Comme 30millionsdamis.fr l’avait déjà rapporté, ce festival perd chaque année plus d’importance, même s’il ne faut pas occulter les tueries de chiens, en masse, précédant l’événement. « En 2010, pas moins de 15 000 chiens y ont été tués, mais la pression – chinoise et internationale – a fait baisser ce chiffre à environ 3 000 chiens, informe Wendy Higgins. L’impact des restrictions liées au Covid-19 devraient, cette année, empêcher un grand nombre de personnes de se rassembler. La pression risque de s’accroître. »
20%
Pourcentage de Chinois concernés par la consommation de viande de chiens.
Contrairement a certaines croyances populaires, la consommation de la viande de chiens et de chats n’a pas les faveurs d’une écrasante majorité de la population chinoise. Elle concernerait moins de 20% de Chinois dans le centre, l’ouest et le sud du pays et plus de 65% des habitants du pays n’y auraient même jamais goûté, note une enquête de France Culture. « Par ailleurs, d’après une étude de nos équipes réalisée fin 2019, 50% des personnes interrogées affirment avoir arrêté cette consommation à Guangxi, l’un des lieux les plus célèbres pour cette pratique (à la frontière du Vietnam), ajoute Suki Deng. Quant à celles et ceux qui continuent d’en manger, plus de la moitié ne le fait qu’une à deux fois par an. »
Une autre enquête menée par des organisations caritatives chinoises en 2017, indiquait que 72 % des personnes sondées à Yulin affirmaient « ne pas manger régulièrement de la viande de chien ». Selon Valérie Niquet, responsable du Pôle Asie à la Fondation pour la Recherche Stratégique, interrogée par France Culture, l’importance de l’image du pays sur la scène internationale joue un rôle prépondérant dans cette évolution : « Au moment des Jeux olympiques, la Corée du Sud avait par exemple interdit les marchés où l’on vendait du chien. En Chine, on a le même type d’évolution en terme d’image, on déclare qu’on ne consomme plus de chien. Mais comme pour tout le reste des consommations alimentaires animales, le fait qu’il y ait des lois et règlements adoptés ou des déclarations, ne signifie pas que ce sera mis en oeuvre.» Pour preuve, début avril 2020, 423 animaux de compagnies qui avaient été dérobés ont été sauvés in-extrémis d’un abattoir illégal en plein centre du pays.
🚨DOG SLAUGHTERHOUSE RESCUE🚨: Chinese activists tipped off local authorities about an illegal slaughterhouse in Henan resulting in the rescue of 423 dogs! HSI’s partner Vshine led the negotiations with law enforcement and helped confiscate all of the dogs. pic.twitter.com/w0N1WTYeOB
— Humane Society International (@HSIGlobal) April 17, 2020
Protection animale en Chine : « La tâche est encore immense »
Toutefois, si plusieurs notes d’espoir se laissent entrevoir, l’évolution des mentalités – et donc des moeurs – reste longue… Qu’elle concerne les animaux domestiques, ou sauvages. Car si la crise du coronavirus et la pandémie de Covid-19 qui en a résulté a précipité les choses, l’annonce du gouvernement chinois de bannir tout commerce et toute consommation d’animaux sauvages en laisse plus d’un circonspect, tant la Chine fait figure de plateforme mondiale pour ce trafic, notamment pour le pangolin. Et la possible utilisation de la bile d’ours comme traitement contre le coronavirus prouve qu’on est encore loin d’une prise de conscience totale de la part de Pékin.
La Fondation 30 Millions d’Amis, qui soutient bon nombres d’associations à travers le monde pour la protection et le bien-être des animaux, reste vigilante sur ces annonces en pleine crise sanitaire mondiale. Si « chaque pas en avant est une petite victoire, juge Reha Hutin, Présidente de la Fondation 30 Millions d’Amis, [et si] la mobilisation et le travail de sensibilisation des association de protection animale locales et internationales semblent porter leurs fruits, la tâche reste encore immense ».
source – crédit photo:Plusieurs indices montrent que la Chine semble amorcer un lent virage vers la reconnaissance officielle des chiens et des chats comme animaux de compagnie. /©Adobe Stock-Zhao jiankang