QUESTION DU MOIS:

Y a-t-il encore des produits sains dans les supermarchés ?
Mélanie, 57 ans, mariée, grand-mère

RÉPONSE DE STEFANE GUILBAUD:

C’est une question très intéressante, car elle cache une complexité qui finit par perturber le bon sens des consommateurs. Un produit sain est par définition complexe à définir.

Ma définition n’est pas du tout la même que celle des campagnes de communication proposées par les grandes marques.

Pour moi, un produit sain est un aliment qui combine trois critères.
Il est exempt de pesticides, fongicides et/ou herbicides aux effets dangereux ou inconnus.
Il est confectionné avec des matières premières fraîches, brutes (sans transformation industrielle outrancière) et sans améliorants techniques (additifs).
Il échappe aux modes alimentaires.

Côté sourcing : Nous recherchons au maximum des produits bios ou “sans traitement”, des produits bruts n’ayant subit aucune ultra transformation (on parle souvent de “craking” du lait ou du blé par exemple).

Côté contenu : Nous recherchons des produits avec une lecture d’ingrédients la plus simple et compréhensible possible.
Tout ceci semble plus ou moins acquis par les consommateurs et “relativement” facile à contrôler au quotidien, car les industriels ont fait des progrès (sous la pression des consommateurs, n’oublions pas)
Mais là où cela devient compliqué et où ma vision diverge radicalement de l’industrie agroalimentaire, c’est sur l’offre alimentaire et la communication qui est assénée aux consommateurs.

Les trois plus puissants groupes qui, en France, défendent les intérêts des produits laitiers, des céréales et du sucre ont façonné le paysage alimentaire à leurs images et encouragé à suivre leurs préconisations nutritionnelles. Aujourd’hui on nomme cette pratique le « Nudge », pourtant elle est aussi vieille que le lobbying qui a toujours souhaité d’influencer “subtilement” nos comportements. C’est là tout le problème des « influenceurs » prêts à aller dans le sens des intérêts d’une marque contre sonnante et trébuchante.
Ainsi, depuis 70 ans, nous sommes obnubilés par les “prétendus” manques de calcium et leurs solutions proposées, nous sommes rattrapés par les récentes habitudes céréalières, à chaque repas, infondées et régulièrement critiquées par de grands noms de la nutrition indépendante et nous sommes habitué à répéter à qui veut l’entendre que le sucre est notre énergie et que le gras fait grossir.
Le “nutritionnisme” ambiant est ce qui est arrivé de mieux à l’industrie agro. Il a su dresser des peurs et des contraintes pour nous encourager à consommer ce qu’elle produit.

Alors Mélanie, après une introduction récapitulative sur la notion saine d’un produit, il est possible d’apporter une réponse à votre question. Oui, il est possible d’en trouver. Toutefois, ce ne sont pas forcément ceux présentés comme tels par les étiquettes. C’est la limite du lieu. Beaucoup d’informations contradictoires saturent vos sens. Agitations, bruits, musiques, couleurs, écrans, têtes de gondole promotionnelles sont des éléments court-circuitant notre raison. Il ne faut pas faire confiance aux allégations saines “trop évidentes” sur la face avant, il faut retourner le produit et décortiquer une lecture affichée en petits caractères. C’est épuisant !
L’ADN de tels lieux ne permet pas, à mon sens, un climat de confiance d’une part et d’échanges avec le producteur. L’essentiel des rayons est composé de produits appartenant à de grands groupes industriels, calqués sur des modèles économiques de rentabilité aux antipodes de vos attentes. Trop de promesses n’ont comme seule motivation, la présence d’une marque sur un marché de niche ou prometteur. La présence de produits locaux est trop souvent un artifice de vente, un leurre que d’aucuns décriraient de “greenwashing” dans le but de se donner une image de responsabilité écologique trompeuse.

Alors si vous changez de réseau d’approvisionnement et souhaitez découvrir ou redécouvrir des acteurs locaux —de surcroît en bio— vous devez avant tout définir votre propre définition du sain. Elle doit devenir votre leitmotiv, votre feuille de route. J’ai dû faire mes choix moi aussi. Désormais, pour moi un produit sain, doit pouvoir se consommer TOUS LES JOURS. À l’inverse, un aliment futile par définition est un aliment plaisir occasionnel. Nous avons été incités à consommer par plaisir. Ce n’est pas possible. Ce n’est pas une alimentation constructive. La gourmandise ne passe pas systématiquement par le trio blé-lait-sucre.
Je consomme beaucoup de légumes (avec une préférence pour les vieux légumes oubliés et moches), du poisson (très sélectif) et de la viande (bio) avec modération, des fruits de mer et des oléagineux, ponctués par énormément d’épices douces. Tout le reste est occasionnel, très occasionnel… futile donc utile à bon escient.

Stéfane Guilbaud, en exclusivité pour le JDBN – crédits photos: Stefane Guilbaud et pixabay

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