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Le record de François Gabart a rappelé l’impressionnante mainmise française sur la course au large, particulièrement en solitaire. Explications.

Après Coville, Gabart… Les records tombent, mais toujours dans l’escarcelle d’un Français. Comment expliquer cette mainmise sur la course au large, et encore plus en solitaire ? « En France, on a cette culture grâce à Eric Tabarly, qui a ouvert la voie à Philippe Poupon, Loïck Peyron ou moi, et maintenant à Franck Cammas et François Gabart, explique Alain Gautier, 55 ans, vainqueur du Vendée Globe en 1992. Si Tabarly n’avait pas montré la voie, peut-être qu’aucun d’entre nous ne serait devenu navigateur. Mais surtout, Tabarly a amené les médias vers ces courses de voile dans les années 1970 et 1980, en faisant la une de Paris Match et en descendant les Champs-Elysées avec Europe 1. Et les médias ont favorisé la venue des sponsors… »

Pour Christian Lepape, le directeur du Pôle Finistère Course au large de Port-la-Forêt, créé en 1990, le goût français pour la course en solitaire prend sa source dans une forme de résistance à l’establishment : « La majorité des pays anglo-saxons, qui étaient leaders en matière de course au large, ne reconnaissaient pas la course en solitaire. L’activité était considérée comme dangereuse, car elle ne satisfaisait pas à l’obligation d’une veille permanente. Avec leur esprit mutin, les Français s’y sont mis et notre travail a consisté à démontrer que la veille virtuelle, grâce à la technologie, était plus efficace que celle de trois marins fatigués. »

Des compétitions pour éclore

Au-delà des pôles de Port-la-Forêt et de Lorient, les Français sont privilégiés. « On a cette grande chance d’avoir ce mix entre les courses qui existent pour éclore, comme la Solitaire du Figaro, et les sponsors, qui sont là grâce aux médias, ajoute Gautier. Toutefois, il ne faut pas trop se gargariser. Si on considère les dernières tentatives de record en solitaire, à part Ellen MacArthur, qui l’avait d’ailleurs battu en 2005, aucune n’est étrangère… C’est un peu comme se demander pourquoi le champion du monde de sumo est immanquablement japonais. En Nouvelle-Zélande, trois Coupes de l’America, la culture de la course en solitaire est complètement absente. Un Néo-Zélandais vous dira qu’un solitaire est un asocial, incapable de mener un bateau en équipage. »

Cependant, Lepape croit en Gabart pour faire le lien entre la course au large et la voile institutionnelle : « C’est la première fois dans l’histoire de la course au large qu’un vainqueur d’une course majeure en solitaire (NDLR : le Vendée Globe, en 2013) est aussi le plus rapide autour du monde. L’olympisme nous a longtemps dit que nous étions spectaculaires mais pas techniques. Or une démonstration interviendra aux Jeux de 2024, une course de trois nuits en double mixte sur des monotypes. Nous sommes toujours aussi spectaculaires et sommes devenus extrêmement techniques. »

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« On fera bientôt le tour du monde en moins de quarante jours »

 

Thomas Coville était détenteur du record du tour du monde à la voile en solitaire jusqu’à dimanche.

 

Quels sont les ingrédients indispensables pour réussir une telle performance ?

Thomas Coville. Il faut cumuler beaucoup de choses. Etre là au bon moment, avoir un bon bateau, savoir exploiter la bonne météo et surtout être capable d’oser. Pour moi, la première grande qualité de François (Gabart) est d’avoir un esprit de synthèse, une vision et une capacité stratégique à se projeter au bon endroit au bon moment. Ce qu’a réalisé François est magistral. C’est quasiment la trajectoire parfaite. Il a parcouru beaucoup moins de milles que moi.

 

Moins de milles parcourus sur un tour du monde, comment est-ce possible ?

Ces nouveaux bateaux permettent d’aller plus vite que le temps qu’il fait, de rattraper le système météo qui est devant. C’est ça, la grande révolution qu’apportent ces Ultimes. Jusqu’à présent, en multicoque, on réussissait à aller à la vitesse du système météo dans lequel on se trouvait, on était tributaire de ça. Ce qu’a réussi à faire François, c’est d’aller plus vite que le système.

 

L’écart entre le record en équipage et en solo se resserre…

Oui, parce que la voile est un sport mécanique. François a le dernier-né des bateaux, et aujourd’hui on ne les construit plus spécialement pour l’équipage. Le bateau de Francis Joyon (NDLR : détenteur du record en équipage en 40 jours et 23 heures en 2017) est quasi obsolète.

 

Quelle est la part de l’humain dans ces records ?

Elle reste fondamentale. C’est bien beau d’avoir un bateau nouvelle génération, encore faut-il le gérer, le doser. Là-dessus, François est impérial. Il est capable de tenir mentalement des vitesses exceptionnelles. Et tout ça, contrairement à moi, il le réussit dès la première tentative. La personnalité du marin et du projet transparaît toujours. La fulgurance du chrono de François fait partie de son caractère.

 

Comment se remet-on d’un tour du monde en solitaire ?

Quand il est victorieux, on est sur un nuage. J’ai mis beaucoup de temps à me remettre de mes tentatives infructueuses. Quand on bat le record, on est, pendant un moment, l’homme le plus rapide de la planète, c’est fabuleux.

Avec François Gabart, Sébastien Josse et Armel Le Cléac’h, ouvrez-vous une nouvelle ère ?
On est en train de créer une nouvelle histoire. Le fait que les records tombent sert notre sport, ça le rend vivant. La voile devient un vrai curseur sociétal. Un seul mec est à bord et on embarque des milliers de personnes dans notre histoire. Lors de la course en 2019 (NDLR : la course autour du monde des Ultimes), le vainqueur sera très certainement dans les temps de François. Et on fera bientôt le tour du monde en moins de quarante jours.

Propos recueillis par Sandrine Lefèvre

crédit photo: capture

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