Certaines scènes du film Avatar. La voie de l’eau ont été filmées sous l’eau. Au cours du tournage de l’une d’entre elles, l’actrice Kate Winslet aurait retenu sa respiration pendant 7 minutes et 15 secondes.

C’est un exploit remarquable ; tout le monde (y compris les apnéistes professionnels) reconnaît qu’il est extrêmement difficile de retenir son souffle pendant plus de sept minutes. La plupart des apnéistes professionnels doivent s’entraîner pendant des années avant d’atteindre un tel niveau, et beaucoup n’y parviennent jamais. Or, Kate Winslet ne s’est apparemment entraînée que pendant quelques semaines.

Si elle détient aujourd’hui le record de l’apnée la plus longue sur un plateau de tournage, il convient de replacer cet exploit dans un contexte plus large. En utilisant une technique qui est probablement la même que celle employée par l’actrice Budimir Šobat, un plongeur professionnel avec qui j’ai travaillé en étroite collaboration, détient en effet le record du monde actuel de ce type d’apnée. Il est de 24 minutes et 37 secondes.

Le record de l’apnée la plus longue n’a pas été battu

Avec d’autres chercheurs, nous avons effectué des mesures physiologiques approfondies sur ces plongeurs professionnels pour comprendre comment ils peuvent retenir leur souffle aussi longtemps. Une chose est certaine : la question de l’oxygène est importante. Budimir Šobat a réussi à retenir son souffle pendant près de 25 minutes en respirant 100 % d’oxygène avant de commencer l’exercice. Rappelons que le ratio d’oxygène dans l’atmosphère que nous respirons habituellement est de 21 %.

La réaction de l’actrice Kate Winslet, après avoir retenu sa respiration pendant plus de sept minutes.

Sans une telle assistance d’oxygène, le record du monde masculin d’apnée, détenu par l’apnéiste Stéphane Mifsud, est de 11 minutes et 35 secondes. Chez les femmes, il est détenu par Natalia Molchanova, avec 9 minutes et 2 secondes. Ces personnes se sont entraînées pendant de nombreuses années et sont les meilleurs apnéistes professionnels actuels.

Comment Kate Winslet a-t-elle fait pour retenir sa respiration si longtemps ? Et, choisiriez-vous de tenter l’expérience, pourquoi y a-t-il peu de chance que vous parveniez à vous approcher de sa performance si vous ne comptez que sur vos poumons et l’air ambiant ?

Parce que, pour avoir une chance d’égaler l’actrice, il vous faudrait en effet, avant de commencer à retenir votre souffle, respirer au préalable de l’oxygène pur. C’est très probablement ce qu’a fait Kate Winslet, qui a dû également par ailleurs pratiquer l’hyperventilation (une respiration plus rapide et plus profonde que la normale) durant cette étape préliminaire.

Pour comprendre comment cette approche peut augmenter la durée d’une apnée, il est nécessaire de comprendre comment fonctionne le contrôle de la respiration.

Que se passe-t-il lorsque l’on retient son souffle ?

Le signal le plus important pour déclencher la respiration provient de groupes de cellules spécialisées situées dans le cerveau et le cou. Appelées chimiorécepteurs, elles répondent au niveau de dioxyde de carbone (CO2), dans une moindre mesure, au niveau d’oxygène (O2) présents dans le sang.

D’autres signaux sont également envoyés par le tronc cérébral lui-même (le « contrôleur central ») et les poumons (via des récepteurs qui détectent l’étirement pulmonaire), mais, dans le cas qui nous occupe, ces signaux sont généralement moins importants que ceux envoyés par les chimiorécepteurs. Ce sont ces derniers qui contrôlent principalement le rythme et la profondeur de la respiration, et qui maintiennent optimaux les niveaux d’O2 et de CO2 sanguins.

Le record mondial de Budimir Šobat, apnéiste professionnel, est de 24 minutes et 37 secondes.

Pendant une apnée, le taux de CO2 sanguin croît, tandis que le taux d’O2 diminue. L’augmentation première de l’envie de respirer – qui survient environ 30 secondes après le début de l’apnée – résulte principalement de l’augmentation du taux de CO2.

À partir d’un certain seuil, toutefois, les chimiorécepteurs réagissent également à la baisse de l’O2 ; l’envie de respirer augmente alors de façon spectaculaire. Elle finit par s’intensifier au point que le diaphragme (le principal muscle respiratoire) se contracte sans que l’on ne puisse le contrôler. C’est ce que l’on appelle un mouvement respiratoire involontaire.

C’est à ce moment-là qu’un apnéiste non entraîné va recommencer à respirer. Cette situation survient généralement après environ trois minutes, chez une personne motivée à retenir sa respiration. Tout du moins, si elle n’a pas pris d’oxygène avant l’exercice…

Effets de l’inhalation préalable d’oxygène

Si l’apnéiste inhale préalablement de l’oxygène, l’apparition des mouvements respiratoires involontaires est considérablement retardée. En effet, le signal provenant de la détection de l’O2 disparaît. 15 minutes d’inhalation préalable d’O2 à 100 % permettent de prolonger la durée de la respiration jusqu’à près de 20 minutes. Au bout de cette période, le taux d’oxygène sanguin sera toujours supérieur à la normale.

Néanmoins, même avec une telle inhalation de 100 % d’O2, le CO2 (le principal stimulus déclencheur de la respiration) augmentera pendant l’apnée. Heureusement pour l’apnéiste, l’augmentation du taux d’oxygène sanguin atténue la réponse au CO₂ des chimiorécepteurs.

L’effet combiné de l’absence de réponse à la diminution d’O2 et d’une réponse au CO2 atténuée permet au plongeur de retenir sa respiration beaucoup plus longtemps.

Un homme en combinaison rouge vu de sous l’eau, retenant sa respiration à la surface tandis qu’un homme en legging bleu l’assiste
Un apnéiste s’entraînant en eau peu profonde. (Shutterstock)

Une autre astuce consiste à hyperventiler avant de retenir sa respiration. Cela permet en effet d’abaisser le taux initial de CO2 dans le sang, ce qui allonge le délai après lequel le taux de CO2 va dépasser la normale.

Il est important de souligner que sans apport préalable d’oxygène à 100 %, hyperventiler avant de retenir sa respiration est une pratique dangereuse en apnée, car elle augmente le risque de perte de connaissance en eau peu profonde.

Il est probable que les entraîneurs de Kate Winslet avaient une connaissance approfondie de la physiologie respiratoire et qu’elle en a bénéficié. Bien que la durée de son apnée soit impressionnante, et constitue un record pour un plateau de cinéma, elle reste très éloignée des durées des records réels, même réalisés par des personnes non entraînées.

En 1959 déjà, des chercheurs démontraient, chez sept volontaires non entraînés, que le fait de respirer 100 % d’O2 avant de retenir sa respiration permettait d’obtenir des durées d’apnée de six à 14 minutes. Il est donc tout à fait possible de réaliser une apnée de sept minutes après seulement quelques semaines d’entraînement.


L’Association internationale pour le développement de l’apnée (AIDA) est l’association référente pour les diverses disciplines d’apnée. Elle ne reconnaît pas l’apnée assistée par oxygène pur. Sans assistance, Branko Petrovic détient un record de 11 minutes et 54 secondes, selon le Guinness World Records. Ce record n’est pas accrédité par l’AIDA.

Anthony Bain, Associate Professor, Kinesiology, University of Windsor

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. crédit photo: Getty Images/Everett Collection