Ol Pejeta (Kenya) (AFP) – Des vétérinaires ont prélevé avec succès les ovocytes des deux dernières femelles rhinocéros blanc du Nord, un pas de plus dans les efforts acharnés pour sauver cette espèce de l’extinction, ont annoncé les scientifiques en charge du projet vendredi au Kenya.

La science représente le dernier espoir pour le rhinocéros blanc du Nord – l’une des deux sous-espèces de rhinocéros blanc – après le décès l’année dernière à l’âge de 45 ans du dernier mâle, appelé Sudan, dans la réserve kényane d’Ol Pejeta (centre).

Les deux femelles, Najin, 30 ans, et sa fille Fatu, 19 ans, sont les derniers individus de leur espèce et vivent sous bonne garde à Ol Pejeta, où le prélèvement de leurs ovocytes a été pratiqué jeudi.

Aucune d’elles n’est en mesure de mener une grossesse à son terme: Fatu souffre de lésions dégénératives au niveau de l’utérus et Najin d’une fragilité de son train arrière incompatible avec une portée.

Jeudi, une équipe de vétérinaires a réussi à prélever cinq ovocytes sur chaque femelle (placées sous anesthésie pendant deux heures) en ayant recours à des techniques novatrices en matière de procréation assistée.

« C’est un très grand succès: hier, 10 ovocytes ont été prélevés, ce qui correspond plus ou moins à ce que nous espérions », s’est félicité Jan Stejskal, du zoo tchèque de Dvur Kralove, où Najin et Fatu sont nées avant d’être transférées au Kenya.

M. Stejskal a expliqué comment à partir de 2014, lorsque l’infertilité des deux femelles a été établie, plus de 15 zoos européens ont travaillé de concert pour développer et perfectionner une technique d’extraction d’ovocytes sur les rhinocéros.

« La méthode (de prélèvement) et l’équipement ont tous deux été conçus de zéro », a souligné vendredi ajouté le professeur Thomas Hildebrandt, de l’Institut Leibniz de recherche zoologique et animale, à Berlin.

En 2018, cette même équipe était parvenue à créer des embryons hybrides, résultat de la fécondation d’ovocytes de femelles de rhinocéros blancs du Sud avec des spermatozoïdes de rhinocéros blancs du Nord. Ces embryons avaient été congelés.

Les prélèvements de jeudi permettent aux scientifiques d’escompter la création à court terme d’embryons à 100% rhinocéros blanc du Nord.

Les ovocytes prélevés jeudi ont ainsi été immédiatement envoyés dans un laboratoire spécialisé en Italie pour y être fécondés d’ici la fin de la semaine, avec des spermatozoïdes qui avaient été prélevés sur quatre mâles de l’espèce avant leur décès.

Les scientifiques doivent à présent développer une technique pour implanter ces embryons dans des mères porteuses, en l’occurrence des femelles rhinocéros blancs du Sud.

« Nous sommes très contents que ce partenariat nous fasse avancer d’un pas dans la prévention de l’extinction du rhinocéros blanc du Nord. C’est particulièrement émouvant quand on pense à la disparition déchirante de Sudan (…) » a pour sa part commenté John Waweru, le directeur général du service kényan de la faune (KWS).

On compte actuellement cinq espèces de rhinocéros sur terre, parmi lesquelles les rhinocéros noirs et les rhinocéros blancs se trouvent en Afrique. Le rhinocéros blanc du Nord est généralement considéré comme une sous-espèce du rhinocéros blanc, mais des scientifiques ont émis l’hypothèse qu’il pouvait s’agir d’une espèce à part entière.

Dans leur milieu naturel, les rhinocéros n’ont que peu de prédateurs, en raison de leur taille et de leur peau épaisse.

Mais de prétendues vertus médicinales attribuées en Asie à leur corne ont alimenté dans les années 1970 et 80 un braconnage implacable qui a largement décimé le rhinocéros blanc du Nord en Ouganda, Centrafrique, Tchad, République démocratique du Congo (RDC), et dans l’actuel Soudan du Sud.

Ces territoires traditionnels du rhinocéros blanc du Nord ont longtemps été en proie aux conflits et donc propices aux activités criminelles, dont le braconnage. En 2008, le rhinocéros blanc du Nord était déjà considéré comme éteint à l’état sauvage.

Les rhinocéros modernes sillonnent notre planète depuis 26 millions d’années. Au milieu du 19e siècle, on estimait leur population à plus d’un million d’individus pour le seul continent africain.

Les scientifiques impliqués dans le projet espèrent que leurs efforts aboutiront in fine à la naissance de plusieurs bébés rhinocéros blanc du Nord, mais, de leur propre aveux, leur approche a ses limites.

Les ovocytes ne peuvent être collectés sur les femelles que trois fois par an et la question du manque de diversité génétique des futurs petits pèse sur les efforts en cours.

Pour tenter de remédier à cette difficulté, le consortium scientifique BioRescue tente également de produire artificiellement des gamètes (cellules reproductrices) de rhinocéros blancs du Nord grâce à des cellules provenant de tissus congelés prélevés sur d’autres spécimens de l’espèce sans lien de parenté.

Selon les membres de BioRescue, l’objectif est final est de réintroduire le rhinocéros blanc du Nord dans des zones protégées de son habitat naturel, ce qui pourrait prendre pas moins de 70 ans.

Au-delà de cet objectif, Richard Vigne, le directeur général d’Ol Pejeta, souligne que ces efforts ont le mérite de mettre en évidence « la crise actuelle de l’extinction (de nombreuses espèces) dont nous, les humains, sommes responsables ».

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