Londres (AFP) – Elle est « aux anges ». Après avoir mené bataille dix-huit mois, sous les insultes, Gina Martin a remporté son combat et réussi à faire changer la loi britannique pour que soient désormais punis ceux qui prennent des photos sous les jupes des femmes.
« JE SUIS ÉPUISÉE MAIS TELLEMENT TELLEMENT HEUREUSE! » a réagi la jeune Anglaise sur son compte Twitter, alors que le projet de loi a été finalement approuvé par la Chambre des lords mardi, de façon presque inaperçue, tous les regards étant tournés vers la Chambre des communes qui a rejeté l’accord de Brexit.
La jeune femme de 27 ans avait raconté en octobre à l’AFP comment elle avait décidé de se battre pour faire changer la loi après avoir été photographiée à son insu et en toute impunité.
En juillet 2017, Gina Martin assiste à un festival de musique à Londres. Un homme la drague lourdement puis se frotte à elle. « Cinq minutes après, j’ai vu que son copain regardait son téléphone, il était sur WhatsApp et regardait une photo prise de très près de l’entrejambe d’une femme » tout en gloussant avec son ami. « J’ai compris tout de suite que c’était une photo de moi ».
« Humiliée » et bouleversée, elle s’empare du téléphone et court se réfugier auprès des vigiles qui appellent la police. Les policiers forcent le jeune homme à effacer la photo mais quatre jours plus tard, ils appellent Gina pour lui dire que l’affaire est classée.
« Ça m’a rendue furieuse ». Par le passé, des hommes avaient déjà « soulevé sa jupe » ou lui avaient « donné une claque sur les fesses ». Cette fois, « c’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ».
Outrée de voir que le fait de prendre des photos sous les jupes des filles (« upskirting » en anglais) n’est pas puni en Angleterre et au pays de Galles, à la différence de l’Écosse, Gina Martin lance une campagne pour faire changer la loi. Sa pétition a récolté plus de 110.000 signatures.
Le délit punissant l’ »upskirting » a été inclus dans un texte de loi contre le voyeurisme, adopté définitivement par la Chambre des lords, la chambre haute du Parlement britannique.
Il a toutefois fallu du temps pour que la voix de la jeune femme qui travaille dans la publicité, soit entendue.
Au départ, son témoignage lui a valu des « tonnes » de messages haineux sur les réseaux sociaux, dont des menaces de viol. « On me disait que c’était de ma faute, que je n’aurais pas dû porter de jupe, on me traitait de pute ».
Gina Martin change de nom sur Facebook, perd le sommeil.
« Il y a eu une période, au début, où j’étais vraiment mal ». Mais elle est soutenue par son avocat, son petit-ami et par de nombreuses femmes et filles expliquant avoir vécu des agressions similaires « à l’école, à un arrêt de bus, dans les transports ou les magasins ».
En juin 2018, la militante essuie un revers: la proposition de loi prévoyant de faire de l’ »upskirting » un délit est bloquée au Parlement par un député conservateur, Christopher Chope. Mais le gouvernement conservateur reprend le texte à son compte, qui bénéficie d’un soutien transpartisan. Il prévoit une amende voire une peine de prison pour les coupables.
En France, l’ »upskurting » est puni par une loi promulguée en août renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Gina Martin considère que sa campagne a bénéficié d’un coup de pouce du mouvement #MeToo. Alors qu’elle peinait à se faire entendre entre juillet et octobre 2017, « c’est devenu tout d’un coup un peu plus facile ». « Parce qu’il y avait cette discussion internationale, (les responsables politiques) se sont rendus compte qu’ils ne pouvaient plus fuir, mettre le sujet sous le tapis ».
Aujourd’hui elle exulte sur Twitter: « on l’a fait! »
© AFP – La Britannique Gina Martin, militante en faveur d’une loi contre les photos prises sous les jupes, le 10 octobre 2018 à Londres
© AFP ADRIAN DENNIS