Berlin (AFP) – Avec des résultats à deux chiffres chez des poids lourds de l’Union Européenne (UE), notamment en Allemagne, les écologistes ont enregistré un succès historique aux Européennes dimanche, l’urgence climatique s’imposant comme un thème de préoccupation majeur pour les électeurs.

Le bond des Grünen allemands qui doublent leur score à 20,9% est emblématique. En France, les écologistes sont troisièmes avec 12%. Au Royaume-Uni, les Greens ont pratiquement doublé leur score de 2014 et dépassé le Parti conservateur au pouvoir avec plus de 12% des voix également. En Autriche, aux Pays-Bas, en Irlande ou en Scandinavie, leurs homologues sont au-delà ou proches des 10%.

Les Verts pourraient même peser sur la composition de la Commission européenne et l’identité de son président, aucun des groupes parlementaires de la droite (PPE) et de la gauche (PSE) ne semblant en mesure d’obtenir une majorité absolue des 751 sièges en jeux dans 28 pays, signant la fin du bipartisme européen.

« On va vouloir avoir notre mot à dire », a glissé l’Allemand Cem Özdemir.

Interrogée à la télévision allemande, la cheffe de file des Verts européens a refusé de se prononcer sur sa préférence : « Ce qui nous intéresse, c’est que nos propositions » soient reprises, a martelé Ska Keller.

La droite européenne, en tête, a déjà revendiqué la présidence de la Commission pour son candidat, l’Allemand Manfred Weber. Ce que les sociaux-démocrates ont immédiatement rejeté.

Vague verte

Pour la tête de liste des écologistes français, Yannick Jadot, une chose est acquise : l’Europe a sa « vague verte ».

Et médias, observateurs et politiques ont une explication : la menace climatique est devenue une thématique sociétale dominante et une source d’inquiétude croissante.

« C’est la première fois que le changement climatique joue un tel rôle dans une élection », a noté Robert Habeck, un chef des Grünen.

Même analyse chez le Premier ministre français Édouard Philippe : « Partout en Europe nos concitoyens, en particulier les plus jeunes, nous demandent d’agir avec détermination, c’est ce que nous ferons en France et en Europe ».

Un message martelé aussi par le chef des centristes libéraux européens Guy Verhofstadt, allié au parti du président français Emmanuel Macron, et qui veut une majorité notamment autour du défi climatique.

Avant les élections en Allemagne, des enquêtes d’opinion montraient que 68% des sondés jugeaient insuffisante l’action du gouvernement d’Angela Merkel qui a échoué à atteindre ses objectifs climatique et peine toujours à ficeler sa stratégie en la matière.

La jeunesse

L’analyse post-électorale de la télévision ARD montre que pour les électeurs en Allemagne cette thématique est devenue prioritaire : 46% d’entre eux ont dit que la question était centrale dans leur choix électoral, un bon de 26 points par rapport aux Européennes de 2014.

Dans l’électorat allemand, une rupture générationnelle se dessine par ailleurs, les Verts arrivant devant les conservateurs parmi les 18-44 ans quand la CDU-CSU de Mme Merkel domine chez les plus de 60 ans.

La mobilisation des jeunesses européennes tous les vendredis lors des « Fridays For future » autour de leur égérie suédoise Greta Thunberg en est une autre illustration.

Ce mouvement a revendiqué des centaines de milliers de manifestants vendredi dans une centaine de pays avec comme mot d’ordre de peser sur le scrutin des Européennes.

Le Français Yannick Jadot a d’ailleurs salué la mobilisation électorale des jeunes en France, qui se sont selon lui « emparés de ce scrutin ».

En Allemagne, des dizaines de YouTubeurs ont appelé le même jour leurs millions d’abonnés à voter contre les partis du gouvernement Merkel en raison de leur mauvais bilan en matière de climat.

Les élections « montrent que nous ne mettons pas la crise climatique seulement à l’agenda de la rue mais aussi dans les bureaux de vote », s’est félicitée la figure de proue des Fridays for Future en Allemagne, Luisa Neubauer.

« Ce résultat est une invitation à tout le spectre politique : attaquez-vous vraiment à la crise climatique », ajoute-t-elle sur Twitter, « la planète se fiche de savoir si la protection du climat est de gauche ou libérale ».

Le secrétaire général du EEB, un important réseau européen d’organisations environnementales, s’est aussi réjoui de la « vague verte », martelant que le climat devait devenir l’affaire de tous.

« Pour répondre aux défis environnementaux, aider à construire un avenir où humains et nature peuvent s’épanouir, il faudra que tous les partis adoptent des politiques vertes », a dit Jeremy Wates dans un communiqué.

© AFP – crédit photo: Les dirigeants des Grünen allemands (de gauche à droite) Hannah Neumann, Annalena Baerbock et Sven Giegold célèbrent leurs résultats aux élections européennes, le 26 mai 2019 à Berlin
© AFP Tobias SCHWARZ