Muttersholtz (France) (AFP) – Le village alsacien de Muttersholtz est un précurseur: 15 ans avant tout le monde, il a pris à bras le corps les questions d’économies d’énergie et a été bien inspiré en installant trois turbines sur sa rivière. De quoi accueillir la hausse des factures « avec un certain détachement ».

Alors que les prix de l’électricité augmentent le 1er février dans toute la France, les élus de ce village de 2.200 habitants, en place depuis 2008, avaient compris très tôt la nécessité de lancer un programme d’économies pour les infrastructures communales.

Le maire Patrick Barbier et son équipe, réélus deux fois depuis, ont commencé par réduire l’éclairage nocturne.

« On nous a beaucoup critiqué à l’époque mais aujourd’hui tout le monde le fait », rappelle Michel Renaudet, premier adjoint. « Les gens avaient peur que la délinquance augmente, qu’il y ait plus de cambriolages la nuit. »

La menace ne s’est point concrétisée et ces économies, associées à l’isolation des bâtiments publics, ont permis de réduire de 40% la consommation de la commune entre 2008 et 2020.

Mais Muttersholtz, village alsacien typique avec ses maisons à colombages et ses nids de cigognes, élu capitale française de la biodiversité en 2017, est passé à la vitesse supérieure.

« Nous étions conscients qu’on allait dans le mur au niveau de la raréfaction des sources d’énergie. Bien entendu, nous ne pensions pas que surviendrait un conflit comme en Ukraine, mais le moteur c’était déjà de travailler de façon ambitieuse sur l’économie d’énergie. Et ensuite on s’est lancé dans la production ». Avec d’abord du photovoltaïque sur les toits de plusieurs bâtiments, puis de l’hydroélectrique.

 « Plus de factures »

Le village était en quelque sorte prédestiné: l’histoire raconte que sous l’annexion allemande (1870-1918), conquis par une visite au salon de l’électricité de Francfort, le meunier avait converti son moulin pour produire de l’électricité grâce au courant de la rivière. La commune a racheté cette modeste centrale fermée depuis 1965 et y a réinstallé une turbine.

Elle s’est en outre dotée en 2019, à quelques centaines de mètres de là, de deux nouvelles turbines sur l’Ill, un affluent du Rhin. Un investissement d’un peu plus de 2 millions d’euros.

« On nous a pris pour des fous », sourit Michel Renaudet. « Quand on a entamé la démarche, avec des coûts qui peuvent paraître astronomiques, beaucoup se posaient la question: est-ce vraiment la peine de dépenser autant d’argent pour faire une micro-centrale ? Mais aujourd’hui nous sommes pleinement récompensés. »

Grâce aux aides de l’Etat et de la région, la commune ne débourse que 650.000 euros, et espère amortir son investissement sur 20 ans. Avec l’explosion des prix de l’électricité, l’amortissement sera beaucoup plus rapide.

« Depuis le mois de septembre nous sommes passés directement en autoconsommation: nous prélevons 10% de notre capacité de production pour alimenter les bâtiments publics et l’éclairage public, cela nous suffit pour être autonomes. Donc non seulement nous n’avons plus de facture d’électricité, nous sommes juste assujettis à la taxe d’utilisation du réseau public, mais les 90% restants, nous les revendons », poursuit M. Renaudet.

 « Solutions multiples »

Les calculs sont vite faits: « Avec les prix d’aujourd’hui, on économise 43.000 euros par an d’électricité, et la vente nous rapporte environ 60.000 euros, même si on a aussi des charges d’entretien », explique Julien Rodrigues, secrétaire général de la mairie.

« Nous n’avons pas encore ouvert aux particuliers, ce sera une prochaine étape, mais pour l’instant ça ne couvre que les besoins communaux », souligne M. Renaudet.

Pour l’heure, malgré une production annuelle d’environ 900 mégawatts/heure grâce à ses installations solaires et hydroélectriques, seuls 7% des besoins totaux du village seraient couverts, si l’on prend en compte les ménages et les entreprises. Il faudrait deux éoliennes, ou une surface équivalente à sept terrains de foot de panneaux photovoltaïques pour couvrir aussi tous les habitants. Autant de pistes de réflexion.

Le village accueille en tout cas de plus en plus d’élus d’autres communes, venus de toute la France ou même d’Allemagne pour prendre conseil et voir comment s’en inspirer.

« Évidemment, tout le monde ne peut pas faire une centrale hydroélectrique, mais le photovoltaïque est ouvert à toutes les régions de France, l’éolien également. Les solutions sont multiples », souligne Michel Renaudet.

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