Matthew Slater, Anglia Ruskin University; Dan Gordon, Anglia Ruskin University et Jonathan Melville, Anglia Ruskin University

Pour de nombreux sportifs, réussir à finir les 42km d’un marathon est l’accomplissement de toute une vie. Mais en 2022, le Britannique Gary McKee, 53 ans, a porté le défi à un autre niveau en en courant un par jour pendant 365 jours, afin de collecter des fonds pour la lutte contre le cancer.

Non seulement McKee a atteint son objectif, mais en plus avec une moyenne d’un peu plus de quatre heures : étonnamment, ce temps est plus rapide que la moyenne mondiale des marathons, qui est de quatre heures et demie. Il a parcouru plus de 15 300 km dans l’année (environ 1 260 par mois) – une distance que beaucoup d’entre nous ne vont pas faire même en voiture, et que beaucoup de coureurs de distance d’élite ne peuvent pas atteindre. Une performance qui a usé 22 paires de baskets.

Le Britannique a passé près de 1 500 heures à courir sur l’année, soit environ 29 heures par semaine. C’est aussi plus de temps à courir chaque jour que l’adulte moyen n’en passe à regarder la télévision. Et le plus impressionnant est qu’il a fait tout cela tout en conciliant vie familiale et professionnelle – courant le matin, travaillant l’après-midi.

Beaucoup se demandent comment McKee a pu réaliser cet exploit inédit… et ce qu’il faut pour y arriver.

 

Endurance et volonté

Affronter une épreuve d’ultra-endurance peut avoir des effets profonds sur le corps, notamment en affaiblissant le système immunitaire, en modifiant les niveaux d’hormones, en provoquant des blessures et une fatigue extrême… pour n’en citer que quelques-uns.

Par conséquent, l’une des clés du succès du marathonien de l’extrême a dû être sa capacité à minimiser et gérer les symptômes de sa fatigue pendant chaque course et tout au long de la journée. McKee a dû lutter contre les effets d’une fatigue importante à la fois au niveau des muscles et du système nerveux, rendant la récupération essentielle afin de limiter ses conséquences physiques et mentales, tels que les douleurs musculaires et l’épuisement émotionnel.

Sans cette gestion correcte de sa fatigue, il lui aurait été plus difficile de relever son défi.

Heureusement, la fatigue peut être en partie maîtrisée par une bonne alimentation. McKee aura dû consommer environ 5 000 calories par jour pour fournir l’énergie nécessaire à une bonne récupération, soit à peu près l’équivalent de 20 assiettes de pâtes. Un bon équilibre de glucides, lipides et protéines est incontournable pour alimenter, chaque jour, la course et pour aider à réparer muscles, tendons, ligaments voire os par la suite.

Gary McKee a également évité l’alcool pendant l’année, car ce dernier peut nuire au sommeil et à la récupération et ainsi réduire les performances.

Tout faire pour optimiser sa récupération n’empêche pas d’être exposé au risque de blessures liées au surmenage, du fait du nombre de courses effectuée sans longue pause entre elles. Il n’était guère surprenant d’entendre McKee dire qu’il a souffert d’une blessure aux ischio-jambiers les cinq derniers mois de son défi. Une atteinte courante dans les courses d’endurance en raison du type d’activité musculaire concerné.

Pour surmonter cette épreuve et aller jusqu’au bout, McKee aura eu besoin d’une grande force d’esprit. McKee parle de sa motivation à courir et a déclaré : « J’ai trouvé une raison de le faire. Si vous allez au fond des choses, en fait c’est juste moi contre la route et il n’y a qu’un seul gagnant. » Cet état d’esprit positif est d’ailleurs envisagé par des scientifiques comme pouvant réduire la sensation de fatigue pendant l’exercice.

Les apports de l’expérience

Il convient également de noter que McKee n’est pas un novice en termes d’ultra-endurance extrême. Il a ainsi réalisé de nombreux autres exploits qui lui ont permis de se préparer. En 2017, il a couru 100 marathons en 100 jours ; en 2021, il récidivait avec 110 marathons en 110 jours. Il a aussi réalisé de nombreux treks, pratiqué l’escalade, etc.

Cette expérience a pu été précieuse pour lui permettre de trouver la motivation nécessaire pour continuer à courir et connaître ses limites afin de gérer et prévenir d’autres blessures.

Athlète expérimenté, il a en effet couru le marathon de Londres en trois heures et dix minutes : cela montre qu’il courait en dessous de ses capacités maximales lors de ses marathons quotidiens. En commençant plus lentement que ce dont il est capable, McKee utilisait une stratégie d’allure raisonnable.

En courant lentement dans ses premiers kilomètres chaque jour et dans chaque marathon depuis le début de son challenge, McKee se donnait la meilleure chance d’atteindre son objectif en évitant le surmenage et la fatigue. En fait, McKee a maintenu une cohérence remarquable dans son rythme tout au long de l’année, courant son premier marathon en trois heures et 53 minutes et son dernier en quatre heures et 22 minutes. Début 2022, il avait ainsi commencé plus fort et estimé après coup qu’il courait alors trop vite – ce qui aurait entraîné sa blessure aux ischio-jambiers. De lui-même, il a baissé l’allure, passant d’un rythme d’un peu moins de huit minutes pour 1,5km à onze minutes.

Une stratégie similaire a été utilisée par la coureuse d’endurance Sharon Gayter, détentrice du record du monde, pour courir dix marathons en dix jours.

Chacun ses objectifs

Mais, même avec une telle maîtrise, est-ce que tout le monde peut le faire ? La réponse à cette question est clairement non. McKee allie une bonne combinaison de génétique, d’entraînement sur une longue période, de force mentale et, surtout, de raison et de motivation pour avoir relevé le défi.

Mais ne laissez pas cela vous dissuader de poursuivre vos propres objectifs. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons apprendre d’une telle performance. Par exemple, progresser lentement vers votre objectif avec autodiscipline et une volonté de fer peut vous aider à atteindre plus que vous ne le pensez.

Gary McKee partage de nombreuses similitudes psychologiques avec les superchampions, notamment une volonté farouche de surmonter les revers et de se fixer de nouveaux défis. La science montre qu’il est possible de changer notre propre état d’esprit de la même manière, pour nous aider à mieux surmonter les difficultés et à atteindre nos objectifs.

Si vous avez été inspiré par cet exploit et que vous souhaitez relever votre propre défi en matière de course à pied, vous devriez commencer lentement et augmenter progressivement l’intensité, le nombre et la distance des courses. De nombreux nouveaux coureurs ont trouvé le succès grâce à des applications qui les y aident. Une stratégie judicieuse qui, couplée à la bonne source de motivation, vous emmènera plus loin que vous ne l’auriez jamais imaginé.

Matthew Slater, PhD Candidate, Anglia Ruskin University; Dan Gordon, Associate Professor, Cardiorespiratory Exercise Physiology, Anglia Ruskin University et Jonathan Melville, PhD Candidate, Sport and Exercise Science, Anglia Ruskin University

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.