Je suis curieuse et j’avais envie de regarder au moins le 1er épisode de « The Idol ». C’est Sam Levison aux commandes, le créateur de « Euphoria », une série dans laquelle des adolescents particulièrement malchanceux évoluent dans un monde sordide où absolument TOUS les protagonistes sont drogués, se prostituent et/ou souffrent de troubles mentaux. Je confesse que ce genre de programme a sur moi des effets revigorants inattendus : Par comparaison, je trouve mes propres enfants brillants et équilibrés, même s’ils sont fossilisés devant leur console de jeu et se nourrissent de chips depuis des jours, les quartiers un peu glauques de ma ville me paraissent ressembler à une rue de Disneyland et le moindre clodo avachi sur un banc me semble tout droit sorti d’une comédie musicale de Jacques Demy.
Bref, je savais à quoi m’en tenir avec ce nouvel opus, je ne m’attendais pas à du frais et à du léger et puis, j’avais envie de voir les talents d’actrice de la jeune Lily Rose Depp, puisque, selon ses illustres parents, elle a travaillé « très très dur » pour arriver là où elle est.
D’ailleurs, tous les étudiants qui, cet été, servent des burgers chez Mac Do ou se lèvent à 5 h du matin pour décharger des palettes afin de se payer des vacances feraient bien d’en prendre de la graine et de s’en inspirer : Pourquoi s’obstiner à chercher un contrat d’alternance alors qu’il suffit de devenir égérie Chanel à 16 ans ?
En attendant, je dois dire que la jolie Mademoiselle Depp coche toutes les cases de la « hype » : Un compte Instagram sur lequel elle affiche moue boudeuse, air blasé, silhouette gracile qu’aucun festin de raclette n’est jamais venue alourdir, une collection de boy friends ou de girl friends très tendance (la banale orientation sexuelle binaire est une faute de goût), ainsi que des convictions féministes fortes et courageuses, qui s’illustrent principalement par des photos où elle apparait les aisselles non épilées.
Dans « The idol », l’héroïne s’appelle Jocelyn. Déjà à ce stade, mon cerveau franchouillard a du mal, parce que moi, la dernière Jocelyne que j’ai connue était comptable : 4ème étage, bureau de droite. Posez vos notes de frais sur la table, « Joce » est en RTT le mercredi. Bref, le personnage de la série, une star de la pop dépressive et ultra sexy ne colle pas vraiment avec mon imagerie personnelle.
Première scène : Ultra maquillée et en petite tenue, Jocelyn-Lily-Rose ondule lascivement devant l’objectif d’un photographe. Lèvres entrouvertes, regard de poisson mort, poses suggestives… La jeune fille se caresse et dévoile ses seins, petits et fermes. Je suis troublée. Non par l’érotisme de la scène, aussi prévisible et ennuyeuse qu’un discours d’Elisabeth Borne, mais parce que, dans mon souvenir, Jocelyne de la compta avait une énorme poitrine qui reposait sur son bureau, comme si elle allaitait ses factures.
Tout un petit monde d’assistants, de producteurs et de coach s’affaire autour de la jeune fille. L’heure est grave : Une photo « compromettante » de la star a fuité sur le net. Vu qu’en 10 minutes, on a déjà vu l’intégralité du corps de Jocelyn filmé complaisamment sous tous les angles, je me demande ce qui pourrait être considéré comme une image « compromettante » ? Une échographie vaginale ? La jeune fille en train de lire ?
En fait, il s’agit d’une photo volée de la jeune femme ; elle est accroupie, elle tire la langue et son visage est badigeonné de sperme. Question ambiance et esthétisme, on est donc plus proche de Jacquie et Michel que de Barry Lindon.
Jocelyn accuse le coup, elle est encore fragile, son entourage s’inquiète. Nous aussi parce qu’on se dit qu’elle va finir par prendre froid à se balader à poil tout le temps.
Elle doit répéter sa chorégraphie avec les danseurs. Elle porte un minuscule maillot de bain, taille 6 ans. Au moins, tout le budget de la série n’est pas passé dans les costumes. Je crois que « ma » Jocelyne à moi faisait de la zumba, mais je ne pense pas que ça rendait la même chose.
Pour oublier ses déboires, Jocelyn va en boîte. Par-dessus son string, elle a enfilé une micro robe transparente, ce qui, dans son référentiel vestimentaire, doit être l’équivalent pour nous, d’un jean et d’un col roulé. Là, elle fait la connaissance de Tedros, le patron de la boite de nuit. C’est le chanteur The Weeknd qui interprète le sulfureux personnage. La qualité de son jeu d’acteur est proportionnelle à la longueur de la robe de l’héroïne. Je pense que même un membre des Daftpunk, avec son casque de moto sur la tête, serait plus expressif.
Entre les jeunes gens, c’est le coup de foudre. La passion romantique absolue. Héloïse et Abélard. L’Elisabeth de Jane Austen et M. Darcy. Céline Dion et son René. On sent que ces deux-là vont s’aimer pour la vie, se marier, avoir beaucoup d’enfants, vivre très heureux, prendre beaucoup de drogues et se sodomiser avec toute sorte d’objets contondants.
Pour l’heure, Jocelyn-Lily-Rose rentre chez elle. Elle est troublée par cette rencontre. Elle a besoin de réfléchir. De faire le point. Alors elle se masturbe tout en s’étranglant. (Je ne sais pas si ma Jocelyne de la compta faisait ça en période de clôture de bilan annuel ?).
Le lendemain, Tedros revient visiter sa belle. Elle lui fait écouter sa nouvelle chanson. Elle est contrariée : elle a peur que celle-ci soit jugée peu profonde et superficielle. Sur un morceau qui répète « so get down on your knees and be ready to become my bitch”, on se demande bien d’où peuvent lui venir de telles interrogations ? Tedros rassure son amoureuse : le morceau est parfait. Pour fêter ça, il l’attache et lui enroule la tête dans un drap rouge. Jocelyn-Lily-Rose a du mal à respirer, mais comme elle est une-bonne-actrice-qui-a-travaillé-très-dur, on comprend à travers le tissu qu’elle aime beaucoup ça tout de même. N’empêche que c’est un peu flippant de la voir s’étouffer. Magnanime, son prince charmant fait une petite ouverture avec un couteau pour qu’elle puisse respirer. Fin du premier épisode.
Pour l’instant je réserve mon jugement sur la série. Parce que comme le disait Jocelyne la vraie, la seule, celle de la comptabilité : « Avant de faire un bilan, Il faut bien tout prendre en compte : les histoires d’actif / passifs, de fusion, de participation et d’intéressement… C’est à la fin qu’on voit s’il vaut mieux procéder à la liquidation ».
Nathalie Bianco
Nathalie Bianco est romancière.
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Ses ouvrages:

Un prochain ouvrage à paraître en Octobre…

source: JDBN – Nathalie Bianco – crédit photo Nathalie Bianco: ©Sonia Dyens-Fitoussi – crédit photo couv: pixabay + capture + montage JDBN