Notre équipe vient de développer un nouvel implant cardiaque visant à réparer la valve mitrale sans opération à cœur ouvert, cette dernière sépare l’oreillette du ventricule dans le cœur gauche. Il est destiné à pallier les fuites de la valve chez les patients souffrant d’insuffisance mitrale. Cette pathologie est grave, car aucun des traitements actuels ne permet de la traiter de manière efficace.

Elle est la pathologie valvulaire la plus fréquente dans les pays occidentaux, après le rétrécissement aortique des personnes du 3e âge. Près de 20 % de la population souffre d’une insuffisance mitrale même bénigne.

Schéma en coupe du cœur. Author provided

Si on se restreint à l’insuffisance mitrale pathologique, près de 10 % de la population de plus de 75 ans en souffre. Parmi les différentes conséquences cliniques qu’elle engendre, la plus fréquente et la plus critique est la fuite mitrale, qui se produit en systole : lorsque le muscle ventriculaire se contracte pour évacuer le sang vers les organes. L’ouverture partielle de la valve engendre une régurgitation du sang vers l’oreillette. Celle-ci est responsable d’un mauvais état de santé des patients et d’une forte augmentation du risque de mort prématurée en raison du manque d’irrigation en sang.

Illustrations de la morphologie du cœur et des écoulements sanguins lors des deux phases du cycle cardiaque. Author provided

Actuellement, le traitement de référence de l’insuffisance mitrale est la chirurgie à cœur ouvert, le but étant si possible de réparer la valve mitrale, ou de la remplacer sinon. Ces interventions lourdes nécessitent l’ouverture de la cage thoracique, l’arrêt du cœur et la mise en place d’une circulation extra-corporelle. Outre son fort taux de récidive, elle présente le défaut de ne pas être praticable sur une part importante de patients, car trop fragiles compte tenu de leur âge et condition physique.

Une solution sans chirurgie à cœur ouvert

Ce besoin de est particulièrement criant chez les patients souffrant d’insuffisance mitrale fonctionnelle, chez qui la fuite de la valve est due à la dilatation du ventricule gauche et non à des défauts de la valve, comme dans le cas de l’insuffisance mitrale organique. La valve n’arrive plus alors à se fermer, car le ventricule dilaté tire sur les feuillets, ce qui empêche qu’ils viennent en contact l’un avec l’autre en systole. Les traitements conventionnels ne sont d’aucune utilité, car trop invasifs et incapables de contrer la traction exercée sur la valve.

En raison de leur état de santé, seule une approche endovasculaire est envisageable pour traiter ces patients. Elle consiste à introduire un dispositif médical replié dans un cathéter en passant par les vaisseaux sanguins. L’avantage de cette approche est l’absence d’ouverture chirurgicale : le cathéter est introduit dans la veine au niveau du pli de l’aine via une simple ponction et remonté jusqu’à l’oreillette droite du cœur, puis l’oreillette gauche après avoir percé le septum (la membrane séparant cœurs droit et gauche).

Un seul type de dispositifs de réparation est actuellement disponible sur le marché : le Mitraclip, qui consiste en une petite pince, que le chirurgien cardiaque vient placer au milieu des deux feuillets sans arrêter le cœur, et qu’il laisse de manière permanente. L’ouverture de la valve est alors non physiologique, le passage du sang se faisant sur les côtés par deux orifices de part et d’autre du clip. Il est, de plus, très fréquent qu’il faille mettre plusieurs clips (souvent deux, parfois trois), ce qui induit un rétrécissement accru des orifices, gênant l’écoulement sanguin.

Une limite de cette option est la difficulté inhérente à sa pose : pour être efficace, le clip doit être apposé à des niveaux équivalents sur les deux feuillets, sans quoi ceux-ci se distordent causant une fuite résiduelle. L’acte est donc souvent long, d’autant plus si plusieurs clips se révèlent nécessaires.

Notre nouvel implant

Afin d’optimiser la prise en charge des patients atteints d’insuffisance mitrale fonctionnelle, il convient donc de développer de nouveaux dispositifs endovasculaires. Le dispositif, que nous avons récemment breveté, est basé sur une nouvelle approche : il est destiné à être placé sous cœur battant sur un des feuillets de la valve et à combler l’espace résiduel entre les deux feuillets au moyen d’un ballonnet. L’implant est en effet constitué d’une pince, permettant sa fixation sur le feuillet de manière permanente, et d’un ballonnet, dont le volume est ajusté in situ pour minimiser les fuites de sang pendant la systole, l’idée étant que le feuillet libre soit alors en butée contre lui.

Schémas de l’implant en position ouverte et positionné sur un des feuillets de la valve mitrale.. Author provided

L’implant est destiné à être introduit en endovasculaire par voie veineuse et doit donc être repliable dans un cathéter pouvant être navigué depuis l’aine jusqu’au cœur. Dans le cathéter, le ballonnet est inséré dégonflé et replié sur lui-même. La pose de l’implant sur un des feuillets et le gonflement du ballonnet sont réalisés sous échographie transœsophagienne, de manière à voir le résultat fonctionnel de l’ouverture du ballonnet pendant la procédure : l’objectif est en effet de trouver le gonflement optimal pour chaque patient, qui réduise au maximum les fuites résiduelles en systole.

L’originalité de la genèse du dispositif tient à deux éléments : d’une part, le travail en symbiose entre une équipe clinique et une équipe de recherche, après que le Professeur Couetil et le Docteur Bergoend ont eu l’idée du concept totalement innovant, et nous ont contactés ; d’autre part, le fait que la phase de conception du dispositif a été réalisée, au sein de cours de l’UTC conçus en mode projets, par des équipes projet formées d’étudiants ingénieurs. Le projet a bénéficié de plusieurs équipes regroupant des étudiants de différentes filières (génie biologique, génie des matériaux, génie mécanique, design…) et de différents niveaux (de bac +3 à bac +5). L’un d’eux, Adrien Laperrousaz, co-signataire du brevet, a été lauréat du concours national I-LAB (BPI-MESRI) en 2015 et a obtenu une bourse pour financer le développement de l’implant pendant ses études d’ingénieur, ainsi qu’une étude de marché. Il est donc remarquable que le projet ait permis une concomitance entre le temps de la recherche et le temps de l’enseignement.

Des tests in vitro ont depuis été réalisés à University College London en collaboration avec le Professeur Burriesci et son équipe. Ils ont testé l’implant sur une valve bioartificielle, placée dans un banc simulant l’écoulement sanguin intra-cardiaque, et qui avait été rendu pathologique. Ils ont montré que l’implant permettait de réduire notablement les fuites de sang vers l’oreillette, et ont apporté ainsi une preuve de concept.

Les avantages du nouvel implant sont nombreux. Il offrira une vraie alternative mini-invasive pour la réparation de la valve mitrale, et présente une facilité de pose par rapport aux autres approches, comme l’implant n’est apposé que sur un seul feuillet. Il aura l’avantage de pouvoir s’adapter à de sévères défauts de coaptation causés par une dilatation du ventricule et potentiellement aussi de l’anneau mitral, et réduira donc les fuites résiduelles par rapport à l’existant. Le gonflement du ballonnet pourra en effet être ajusté à la sévérité du défaut de coaptation de chaque patient. Enfin, en maintenant la forme de son ouverture en diastole, le dispositif permettra un fonctionnement plus physiologique de la valve, ce qui sera probablement un avantage sur le moyen et long terme, car moins générateur de turbulences lors de la diastole et donc de moins de remaniement fibreux des feuillets valvulaires.The Conversation

Anne-Virginie Salsac, Directrice de recherche CNRS, Université de Technologie de Compiègne (UTC)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. crédit photo couv: Un nouveau traitement pour les insuffisances cardiaques. Giulia Bertelli / Unsplash