Bancs de poissons à Venise, dauphins dans un port en Sardaigne, nombreux sont les animaux qui semblent bénéficier du calme qui règne dans les villes depuis le début du confinement visant à enrayer l’épidémie de Covid-19. Peut-on attendre de ces mesures sanitaires d’exception des effets positifs collatéraux sur la faune sauvage urbaine en France ? 30millionsdamis.fr a posé la question à Xavier Japiot, naturaliste et chargé d’études biodiversité à la mairie de Paris.

La sérénissime n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom ! Au fil des canaux de Venise, des bancs de poissons frétillent dans une eau redevenue quasi transparente. Des scènes étonnantes, que les internautes se sont empressés de partager sur les réseaux sociaux. Si la pollution aquatique n’a pas (encore) diminué, le confinement est bien à l’origine de la clarté de l’eau retrouvée : « C’est parce qu’il y a moins de trafic de bateaux, qui ramènent normalement les sédiments à la surface », explique la mairie de Venise sur CNN. Au port de Cagliari, en Sardaigne, les dauphins osent même venir jouer près d’un équipage de marins sportifs, le long des quais désertés par les ferries touristiques. Mais alors que la population italienne est totalement confinée depuis le 8 mars, les villes françaises ne le sont que depuis le 16. Notre faune urbaine devrait donc, elle aussi, connaître de profonds changements dans les prochaines semaines.

Moins de dérangement pour les oiseaux et les poissons

Si dans quelques régions du monde le confinement a des conséquences néfastes sur la faune dans certains lieux touristiques désertés, les animaux sauvages de notre capitale devraient, en revanche, tirer profit de la situation. « La Seine parisienne, longue de 13 km, supporte en temps normal un trafic fluvial d’environ 2000 bateaux (péniches, plaisanciers, entreprises, etc.) par jour. C’est énorme ! », explique Xavier Japiot, auteur de « Sauvages et urbains – à la découverte des animaux dans la ville » (éd. Arthaud). La baisse de circulation des navires aura donc un impact majeur sur tous les animaux aquatiques, dont 34 espèces de poissons rien qu’à Paris intra-muros. « Nous sommes en pleine période de reproduction des poissons. Or, le passage des bateaux perturbe le ‟frai”, c’est-à-dire la ponte des œufs, précise le naturaliste. Moins de trafic fluvial, c’est donc une meilleure reproduction d’espèces telles que le brème commun, la carpe commune ou encore, en grande ceinture, le brochet d’Europe. »

Le confinement va surtout bouleverser le quotidien de très nombreux oiseaux urbains. « Les cygnes sont des animaux herbivores, qui se nourrissent d’algues et de plantes aquatiques. Or, le pain qui leur est souvent distribué crée des occlusions intestinales, explique Xavier Japiot. Le confinement sera pour eux l’occasion de rééquilibrer leur régime alimentaire ». Egalement nourris par les citadins, les pigeons devraient quant à eux s’éloigner de la capitale pour trouver leur pitance. « Nous avons aussi des oiseaux dits ‟nicheurs précoces”, qui se reproduisent en ce moment, et qui ont besoin de protéines animales pour nourrir leurs petits. Pour eux, le confinement signifiera surtout moins de dérangement », se réjouit le naturaliste.

Un répit pour la faune sauvage

« La faune sauvage urbaine maîtrise à la perfection l’art de s’adapter. » Xavier Japiot, naturaliste

Autre aspect important du confinement : la réduction drastique de la pollution sonore. Camions, motos et autres véhicules perturbent en effet le comportement des oiseaux chanteurs, qui s’y adaptent toutefois en décalant l’horaire de leurs vocalises. « Personnellement, j’entends déjà la différence : certains oiseaux commencent à chanter tôt le matin, et non plus en pleine nuit », remarque Xavier Japiot. Les volatiles pourront d’autant plus se faire remarquer que leurs prédateurs, les chats domestiques, resteront pour beaucoup confinés avec leurs maîtres. Laissant ainsi un répit aux amphibiens, en période de reproduction, ainsi qu’aux reptiles coutumiers du bitume, tels que les orvets. Enfin, la pollution atmosphérique devrait diminuer elle aussi de façon spectaculaire, dans les pays concernés par des mesures de confinement. Ce qui protège autant les populations humaines que les animaux sauvages, « eux aussi victimes de maladies respiratoires, bien que le phénomène soit peu étudié », ajoute le naturaliste. Une véritable bouffée d’air frais !

Néanmoins, tous ces bénéfices pour la faune sauvage ne seront que temporaires. « Une fois que l’Homo sapiens aura repris ses habitudes, les animaux feront de même, prévoit Xavier Japiot. La faune sauvage urbaine a un comportement très ‟plastique”, elle maîtrise à la perfection l’art de s’adapter ». A moins que notre espèce ne décide de prolonger cette trêve avec la nature, non plus pour des raisons sanitaires – espérons-le – mais environnementales cette fois !

source – crédit photo: Au bord de la Seine à Paris, les oiseaux aquatiques vont bénéficier de la réduction du trafic fluvial. ©Thomas de Luze /unsplash