En 2020, au niveau mondial, seule une voiture neuve sur 50 était électrique. Même si chaque nouvelle voiture sortant aujourd’hui des usines était électrique, il faudrait encore 15 à 20 ans pour remplacer le parc automobile mondial fonctionnant grâce aux combustibles fossiles.

Les réductions des émissions de gaz à effet de serre et des particules résultant du remplacement de tous ces moteurs thermiques par des alternatives sobres en carbone ne seront pas assez rapides pour faire la différence dans les quelques années qui nous restent.

Pour s’attaquer aux crises du climat et de la pollution atmosphérique, il faut réduire au plus vite tous les transports motorisés, voitures particulières en tête.

Or, en se concentrant uniquement sur les véhicules électriques, on ralentit la course vers une baisse drastique des émissions.

Electriques, mais pas « zéro carbone »

Cela s’explique en partie par le fait que les voitures électriques ne sont pas vraiment « zéro carbone » – l’extraction des matières premières pour leurs batteries, leur fabrication et la production de l’électricité permettant leur fonctionnement produisent des émissions.

Le transport est l’un des secteurs les plus difficiles à décarboner : cela à cause de sa forte utilisation de combustibles fossiles et de sa dépendance à l’égard des infrastructures à forte intensité carbone – on pense aux routes, aux aéroports et aux véhicules eux-mêmes – et aussi de la manière dont il intègre les modes de vie dépendants à la voiture.

Une façon de réduire les émissions liées au transport – relativement rapidement et potentiellement à l’échelle mondiale – consiste à troquer la voiture pour le vélo, l’e-biking et la marche – ces modes de déplacement dits « actifs ».

Piste cyclable temporaire à Hammersmith, Londres (Royaume-Uni)Des pistes cyclables temporaires ont surgi dans les villes du monde entier pendant la pandémie, comme ici à Londres. Texturemaster/Shutterstock

Mesurer l’impact des déplacements actifs

Les modes actifs de déplacement sont moins chers, plus sains, moins nocifs pour l’environnement et n’encombrent pas les rues des villes souvent saturées.

Mais combien précisément d’émissions de carbone peuvent-ils nous faire économiser au quotidien ? Et quel est leur rôle dans la réduction des émissions globales du secteur des transports ?

Dans une nouvelle étude publiée en avril 2021, mes collègues et moi-même avons identifié que les personnes marchant ou faisant du vélo ont une empreinte carbone plus faible lors de leurs déplacements quotidiens, notamment en ville.

Un des points importants de nos travaux porte sur le fait que si la marche et le vélo s’ajoutent parfois aux déplacements motorisés (au lieu de les remplacer), un plus grand nombre de personnes adoptant des modes actifs de déplacement permettrait de réduire les émissions de carbone dues aux transports sur une base quotidienne, et trajet par trajet.

84 % d’émissions en moins pour les vélos

Nous avons suivi 4 000 personnes environ, vivant à Londres, Anvers, Barcelone, Vienne, Orebro, Rome et Zurich. Pendant deux ans, nos participants ont rempli quelque 10 000 carnets de voyage. Ils y ont consigné tous leurs déplacements quotidiens : se rendre au travail en train, emmener les enfants à l’école en voiture, prendre le bus, etc.

Pour chaque trajet, nous avons calculé l’empreinte carbone.

Un résultat nous a plus particulièrement frappés : les personnes qui se déplaçaient quotidiennement à vélo émettaient 84 % moins de carbone que les autres.

Nous avons également constaté que pour une personne passant de la voiture au vélo un seul jour par semaine, la réduction de son empreinte carbone atteignait les 3,2 kg de CO2 ; cela équivaut aux émissions générées par une voiture parcourant 10 km, une portion d’agneau ou de chocolat ou l’envoi de 800 e-mails.

10 fois plus sobre qu’une voiture électrique

Lorsque nous avons comparé le cycle de vie de chaque mode de déplacement – en tenant compte des émissions de carbone générées pour sa fabrication, son alimentation et sa consommation en carburant – nous avons constaté que les émissions liées au vélo peuvent être 30 fois inférieures et plus, pour chaque trajet, à celles liées à la conduite d’une voiture à carburant fossile ; et environ dix fois inférieures à celles liées à la conduite d’une voiture électrique.

Une rangée de trois bornes de recharge pour véhicules électriques au bord d’une route à LondresL’impact énergétique et écologique des véhicules électriques doit être pris en compte dans son ensemble. I Wei Huang/Shutterstock

Nous estimons également que les citadins qui passent de la voiture au vélo pour un seul déplacement par jour réduisent leur empreinte carbone d’environ une demi-tonne de CO2 sur une année ; ils économisent ainsi l’équivalent des émissions d’un vol aller de Londres à New York.

Si seulement un citadin sur cinq modifiait de façon permanente son comportement en matière de déplacements de cette manière au cours des prochaines années, nous estimons que cela réduira les émissions de tous les déplacements en voiture en Europe d’environ 8 %.

Les enseignements de la pandémie

Près de la moitié de la baisse des émissions quotidiennes de CO₂ observées lors des confinements mondiaux en 2020 provient de la réduction des émissions liées aux transports.

La pandémie a obligé les pays du monde entier à s’adapter pour réduire la propagation du virus. Au Royaume-Uni, la marche à pied et le vélo ont été les grands gagnants, avec une augmentation de 20 % du nombre de personnes marchant régulièrement et une augmentation du nombre de cyclistes de 9 % en semaine et 58 % le week-end par rapport aux niveaux antérieurs à la pandémie. Et ce, bien que les cyclistes soient très susceptibles de travailler à domicile.

Les déplacements actifs ont offert une alternative à la voiture tout en préservant la distance sociale. Ils ont permis aux gens de rester en sécurité pendant la pandémie et pourraient contribuer à réduire les émissions à mesure que l’isolement est allégé ; d’autant plus que le prix élevé de certains véhicules électriques risque de décourager de nombreux acheteurs potentiels.

La course est donc lancée. Les déplacements actifs peuvent contribuer à la lutte contre l’urgence climatique plus en amont que les véhicules électriques, tout en offrant des moyens de transport abordables, fiables, propres, sains… et permettant de réduire les embouteillages.

Christian Brand, Associate Professor in Transport, Energy & Environment, Transport Studies Unit, University of Oxford

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. crédit photo: pixabay