Baho (France) (AFP) – La préservation de l’environnement est devenue une priorité dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), notamment en ce qui concerne la réutilisation des déchets. Dans les Pyrénées-Orientales, une entreprise familiale s’est engagée à donner une seconde vie aux gravats qui étaient auparavant déversés dans des décharges sauvages ou enfouis, en utilisant un procédé novateur.

« Nous avons mis en place un centre de traitement qui permet, à grande échelle, de séparer les gravats des plastiques, des polystyrènes et des morceaux de bois, des résidus qui entravaient la valorisation des bétons, graviers et sables. Nous pouvons désormais réutiliser 90% des déchets du BTP », affirme Jean Vaills, président du groupe Vaills. Le site Recycat66, situé à Baho, une commune proche de Perpignan, a été ouvert mi-avril.

Près de la rivière Têt, à l’emplacement d’une ancienne sablière, des camions-bennes chargés de gravats sont pesés avant de déverser des amas de béton contenant de la ferraille, des morceaux de bois, des gaines électriques et des briques.

Ensuite, des pelles mécaniques alimentent une broyeuse qui peut engloutir 200 tonnes par heure.

« Auparavant, ces déchets étaient jetés, c’est dommage de ne pas les réutiliser. Nous avons investi 11 millions d’euros dans ce site, dont trois pour le système de récupération d’eau, que nous réutilisons à 98% », explique Jérôme Vaills, le frère cadet et directeur général de Vaills.

S’agit-il d’une innovation inédite pour le groupe Vaills ? « Apparemment, cela n’existe pas ailleurs en France », répond prudemment Jean Vaills, un ingénieur de 44 ans, portant un casque marqué du logo de l’entreprise, un drapeau catalan dans un losange.

Une fois broyés, les débris circulent dans l’usine à ciel ouvert, flambant neuve, sur des tapis roulants équipés de puissants aimants qui permettent de séparer les métaux. Des bassins de filtrage éliminent le plastique et le bois.

À la fin de la chaîne, quatre tas de graviers lavés et un tas de sable apparaissent, prêts à être chargés et commercialisés.

Pour écouler les résidus de polystyrène et de plastique, Vaills est en discussion avec Lafarge afin de les utiliser comme combustible dans l’une des cimenteries du géant français.

Chaque année, le secteur du bâtiment produit 42 millions de tonnes de déchets en France.

« Environ 40% de ces 42 millions de tonnes sont collectés sous forme de mélange, sans pré-tri », estime Florence Godefroy, experte de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) en matière de recyclage.

Le 1er mai, le ministère de la Transition écologique a lancé une initiative majeure visant à mettre en place une filière de recyclage étendue pour les déchets du secteur du bâtiment. Cette filière est composée de quatre éco-organismes spécialisés chargés d’organiser la collecte, le tri et le recyclage en collaboration avec des entreprises spécialisées.

Surnommés les « casseurs de montagnes », les responsables de l’entreprise Vaills ont pour objectif de traiter 300 000 tonnes de déchets par an. Les sociétés du secteur du BTP qui souhaitent se débarrasser de leurs déchets paient entre 2 et 10 euros par tonne, en fonction du niveau d’impuretés présentes dans la cargaison.

Les dirigeants de l’entreprise affirment que des clients tels que la société de travaux publics Eurovia (Groupe Vinci), le conseil départemental des Pyrénées-Orientales pour la création d’aires de covoiturage et de pistes cyclables, ainsi que Point P et Malet font partie de leur carnet de clients.

Les banques ont répondu favorablement pour financer le projet du groupe, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 33 millions d’euros en 2022. Cette entreprise, spécialisée dans les carrières et le transport de déchets ménagers et de matériaux de construction, regrette cependant de ne pas avoir reçu de subventions publiques.

Jean-Luc Vaills, le patriarche de 69 ans qui a transmis les rênes du groupe à ses fils, se réjouit de cette évolution. « Mes fils concrétisent ce que je pensais il y a 20 ans, mais ils sont allés bien plus loin que ce que j’avais imaginé. Ils sont mieux formés que moi, ce sont des ingénieurs. »

Selon Jean Vaills, l’entreprise doit s’adapter à son époque. « Nous sommes parfois perçus comme des destructeurs de montagnes, mais nous voulons donner une image différente de notre profession. »

Selon les deux frères, le recyclage n’est pas une solution miracle. « Même si tous les matériaux de déconstruction en France sont recyclés, cela ne pourrait couvrir que 30% des besoins en granulats. Nous aurons donc toujours besoin des carrières. Cependant, l’idée est d’économiser les matières premières. »

source: @AFP – Librement retranscrit par JDBN – crédit photo: Jean Vaills, président du groupe Vaills, explique le recyclate des déchets du BTP, à l’usine Recycat66, le 3 mai 2023 à Baho, dans les Pyrénées-Orientales ( RAYMOND ROIG / AFP )