Londres (AFP) – La justice britannique a donné raison jeudi aux écologistes opposés à l’agrandissement de l’aéroport londonien d’Heathrow, le plus fréquenté d’Europe, ce qui pourrait enterrer le projet à moins que le gouvernement ne revoie sa copie.

Le tribunal a jugé en appel que cette extension n’était pas assez respectueuse de l’environnement et que le précédent gouvernement conservateur, qui l’a approuvée en 2018, aurait dû tenir davantage compte des accords de Paris visant à limiter le réchauffement climatique.

« Les accords de Paris auraient dû être pris en compte par le ministre (des Transports, ndlr) (…) et il aurait dû expliquer comment il les prenait en compte, mais cela n’a pas été le cas », a déclaré le juge Keith Lindblom.

L’aéroport d’Heathrow a immédiatement fait savoir qu’il faisait appel devant la Cour suprême. « Nous pensons pouvoir l’emporter. D’ici là, nous sommes prêts à travailler avec le gouvernement pour trouver une solution au problème soulevé par le tribunal », selon un porte-parole.

Le gouvernement lui n’a pas prévu pour l’heure de déposer un recours. Le Premier ministre conservateur Boris Johnson n’a jamais caché son opposition au projet.

« Nous avons gagné! », s’est immédiatement félicité le maire de Londres Sadiq Khan, qui soutenait cette plainte, rejetée en première instance en 2019.

Pour John Sauven, de l’ONG Greenpeace, également partie prenante aux côtés de plusieurs quartiers de la capitale, « la troisième piste est déjà à genoux quant à ses coûts, au bruit, à la pollution de l’air » et désormais « l’aéroport a un obstacle trop haut à franchir ».

Ce projet faramineux, d’un coût de 14 milliards de livres pour sa première phase, est un dossier épineux pour les pouvoirs publics qui viennent de valider un autre projet vivement contesté, celui de la ligne de train à grande vitesse HS2 qui doit relier Londres vers le centre et le nord de l’Angleterre.

Par le passé, Boris Johnsons avait affirmé qu’il n’hésiterait pas à se mettre en travers des bulldozers pour empêcher la construction de la piste. Et en décembre, il a exprimé des « doutes » sur la capacité des promoteurs à préserver la qualité de l’air et limiter la pollution sonore.

Ce projet d’infrastructure pourrait compliquer la tâche du gouvernement qui a promis que le pays atteindrait la neutralité carbone d’ici 2050.

La construction d’une troisième piste à Heathrow, situé à l’ouest de Londres, est censée permettre à cet aéroport d’accueillir à terme 130 millions de passagers par an, contre 78 millions à l’heure actuelle.

Les travaux devaient en principe débuter en 2022 et durer quatre ans et le projet devait être financé par le consortium d’investisseurs propriétaire de l’aéroport, dont des fonds souverains de Chine, de Singapour et du Qatar.

Le directeur général de l’aéroport, John Holland-Kaye, n’a eu de cesse de défendre les vertus de l’agrandissement, qui doit permettre selon lui de participer au rayonnement international du pays après le Brexit et de soutenir la croissance économique.

Il est même allé jusqu’à affirmer mercredi que refuser l’extension d’Heathrow reviendrait à avantager l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle et à « céder le contrôle de l’économie aux Français, autrefois nos amis et partenaires et désormais nos rivaux », suite à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier.

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Simon Dawson/Bloomberg