Ouiam Kaddouri, Pôle Léonard de Vinci
Ces dernières années, les jardins urbains se sont multipliés dans plusieurs villes et agglomérations de France. On recense aujourd’hui à peu près 400 fermes urbaines, portées par une panoplie de structures telles des associations professionnelles, ainsi que 1 303 jardins collectifs sur près de 1 000 hectares en Île-de-France, dont 697 jardins familiaux et 338 jardins partagés.
Ces chiffres montrent que, durant les dernières années, ces initiatives rencontrent une forte popularité qui témoigne d’une évolution significative des modes de vie et d’une envie d’intégration des espaces verts au cœur même des environnements urbains.
Cela est particulièrement vrai dans la tranche d’âge des 30-40 ans, qui a développé une conscience accrue vis-à-vis des enjeux de développement durable et de leur impact sur les territoires au sein desquels ils évoluent. Dans ce sens, le jardinage urbain permet de contribuer à la durabilité environnementale en cultivant localement de la flore ou des herbes comestibles. Ainsi, c’est une action que les 30-40 ans conçoivent comme permettant de réduire leur empreinte carbone et de promouvoir la biodiversité en milieu urbain à leur niveau.
Améliorer le bien-être
Ce besoin de reconnexion à la nature de la génération Y peut aussi être expliqué par le fait que cette génération a grandi et évolué dans un cadre ultra urbanisé où la nature est devenue un élément lointain, souvent accessible seulement en dehors des zones urbaines. Cette rupture spatiale les pousse à chercher des moyens de se reconnecter à la nature au sein même des villes.
Pour la Génération Y, la santé mentale et le bien-être sont aussi devenus des priorités. Ainsi, se reconnecter à la nature devient un moyen de réduire le stress et d’améliorer le bien-être à travers des actions peu contraignantes. Autrement dit, dans un monde de plus en plus urbanisé, ce loisir devient une échappatoire à la vie citadine.
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Ces jardins et fermes urbaines leur permettent ainsi retrouver le plaisir du jardinage en cultivant des micro-parcelles en potagers ou en espaces fleuris. D’ailleurs, 75 % des Français considèrent le jardinage comme une activité de plaisir, toutes tranches d’âge confondues, même si cette préférence est plus marquée chez les femmes (31 %) que chez les hommes (25 %).
Samantha, médecin généraliste de Montreuil (Seine-Saint-Denis), apprécie par exemple de se rendre tous les samedis matin dans l’un des 39 jardins urbains partagés de la ville, à quelques mètres de son domicile :
« J’aime toucher la terre, ça me transporte ailleurs où c’est plus vert, plus propre et plus apaisant. En plus, il y a toujours quelqu’un pour papoter de choses simples de la vie. »
Nelly, agent dans un établissement, abonde dans le même sens :
« Ces jardins c’est la preuve qu’on peut faire ressortir de la terre des aliments si on prend juste le temps de venir. C’est un beau sentiment. Je n’y connaissais rien avant mais vu que dans les quartiers il y a des fans de jardinage, ils m’ont appris pas mal de choses et partagé quelques conseils. »
Au-delà de cette envie de se reconnecter avec la terre, le jardinage urbain et les fermes urbaines permettent en effet de renforcer également la création de liens sociaux, ce qui est particulièrement apprécié des usagers. Ainsi, ces espaces deviennent des lieux qui reflètent une aspiration collective à construire des communautés au sein des métropoles françaises.
Damien, en recherche d’emploi, en atteste :
« C’est beau de voir qu’un groupe de personnes s’occupe d’une parcelle. On est tous différents mais quand on parle de jardinage, on ne sent pas cette différence. On veut tous la même chose, faire pousser des fleurs et des herbes comestibles. »
Ces témoignages illustrent les atouts des jardins urbains, non seulement sur le volet environnemental mais aussi sur le volet social avec la création de liens entre personnes ne se connaissant pas et venants d’horizons différents.
Une enveloppe de 17 millions d’euros
Dans ce contexte, les acteurs publics, à travers différentes actions, vont pousser vers la démocratisation des jardins et des fermes urbaines. Dans le cadre du plan « France relance » et plus spécifiquement sur le volet « agriculture », le gouvernement a ainsi alloué, au niveau national, une enveloppe de 17 millions d’euros dont 3,59 millions d’euros pour l’Île-de-France et une contribution de 500 000 euros dédiées spécifiquement à la ville de Paris.
Pour conclure, au cœur de cités urbaines envahies par le béton et un rythme de vie effréné, les jardins et les fermes urbaines arrivent comme un élan de liberté et un nouveau souffle pour les citadins en quête de verdure pour renouer avec la terre. Ce plaisir retrouvé à travers une immersion dans une biodiversité en pleine ville permet aussi aux citadins de créer des liens entre eux, loin des différences de points de vue et de catégories socioprofessionnelles.
L’implication de l’État à travers des mesures d’encouragement sur le plan financier vient en soutien de cet engouement de la génération Y qui a ainsi toutes les chances de perdurer ces prochaines années.
Ouiam Kaddouri, Enseignante-chercheuse en gestion et en stratégie, Pôle Léonard de Vinci
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. crédit photo: Photo de Elisa Calvet B. sur Unsplash