Une technologie québécoise, la genougraphie, est en voie de révolutionner le traitement de l’arthrose du genou. Cette forme d’arthrose, la plus susceptible de causer des invalidités fonctionnelles, touche près de quatre millions de Canadiens, soit 13,6 % de la population, selon l’Agence de la santé publique du Canada.
Cette forme d’arthrose est plus fréquente chez les personnes âgées de plus de 60 ans, mais elle affecte aussi une proportion non négligeable de personnes plus jeunes, même des quadragénaires. Pour des raisons encore inconnues, les femmes sont plus susceptibles de développer de l’arthrose que les hommes.
Il s’agit d’une maladie dégénérative qui provoque la dégradation du cartilage articulaire, la petite membrane qui protège les os de notre genou. Il est connu aujourd’hui qu’elle n’est pas uniquement une condition associée au vieillissement. Elle peut être induite par des contraintes sur le cartilage, comme une blessure au genou ou une occupation professionnelle contraignante.
Certaines particularités anatomiques, ou encore l’hérédité peuvent aussi engendrer un dysfonctionnement « mécanique » de notre genou. Il se traduit par un mauvais alignement de l’articulation, exposant ainsi le cartilage à des contraintes excessives. Il est donc primordial et important de comprendre ce dysfonctionnement pour le corriger.
Nos recherches en biomécanique, douleur chronique, radiologie, épidémiologie, physiothérapie et sciences des données nous ont amenées à développer et à évaluer l’utilité clinique d’une nouvelle technologie, la genougraphie, pour la prise en charge des patients souffrant d’arthrose au Québec. Les résultats de cette étude ont été publiés en 2020 dans la revue Postgraduate Medicine.
(Image fournie par auteur)
À l’heure actuelle, l’arthrose du genou est diagnostiquée par un examen clinique et une radiographie. Le dysfonctionnement mécanique, quant à lui, est évalué par des questions et par l’observation du genou. Or les questionnaires sont subjectifs et l’observation demeure non quantifiée. Le clinicien observe la jambe à l’œil nu, mais ne prend aucune mesure. Il devient ainsi difficile pour le médecin de connaître les dysfonctionnements exacts qui se produisent, à quel moment ils se sont produits et lequel de ces dysfonctionnements engendre des contraintes ou une détérioration de l’articulation.
Les mouvements du genou en 3D
À ce jour, le professionnel de la santé peut proposer à son patient un traitement pour soulager ses douleurs ainsi que des exercices de physiothérapie. Cependant, pour corriger les dysfonctionnements du genou, il est nécessaire de cibler les dysfonctionnements qui ne sont pas visibles à l’œil nu.
La genougraphie, qui a été commercialisée en 2011 à la suite d’une quinzaine d’années de recherche, pourrait toutefois changer la donne ! Il s’agit d’une sorte d’électrocardiogramme du genou, qui est réalisé à l’aide d’un harnais attaché à certaines zones stratégiques de la jambe. Cette technologie a été développée par des chercheurs de l’École de technologie supérieure, du Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) et de l’Université TÉLUQ.
Comme cette technologie mesure en temps réel les mouvements en trois dimensions (3D) du genou ainsi que ses rotations non visibles à l’œil nu, elle permet d’évaluer l’articulation avec précision et objectivité. Elle aide les professionnels de la santé à comprendre la source des contraintes sur le cartilage, en procurant une analyse du mouvement permettant de détecter des déviations par rapport à ce qui est considéré comme la normalité.
Des soins personnalisés
Grâce à cette technologie, les professionnels peuvent proposer des correctifs personnalisés pour traiter la cause du problème, par exemple des exercices neuromusculaires pouvant être faits à la maison ou sous la supervision d’un physiothérapeute ou d’un kinésiologue.
Cette technologie est fort prometteuse, comme le suggèrent les résultats de notre étude clinique menée sur 515 patients. Les patients ayant bénéficié de la genougraphie et d’un plan de soins personnalisé sont parvenus à corriger plusieurs dysfonctionnements biomécaniques mesurés. Près de neuf personnes sur 10 (88 %) ayant participé à l’étude clinique ont déclaré avoir fait leurs exercices pendant au moins trois mois, ce qui montre qu’ils se sont engagés dans leur traitement. L’adhésion aux exercices est un enjeu majeur dans les études qui analysent l’effet d’un programme d’exercice.
De plus, les chercheurs ont observé une amélioration de l’état fonctionnel du genou de ces patients comparativement à celui du groupe contrôle. Ces patients disaient ressentir moins de douleur et de symptômes, et se sentir plus aptes à réaliser leurs activités quotidiennes. En outre, ils affirmaient être plus satisfaits de leur prise en charge et obtenaient de meilleurs résultats lors des tests fonctionnels.
Déjà offerte par plus d’une centaine de cliniques et d’hôpitaux dans huit pays, la genougraphie est actuellement offerte au Québec dans des cliniques privées. Des études sont en cours afin d’évaluer l’impact de cet outil sur les coûts privés et les services publics en santé, afin de l’offrir dans le système public (hôpitaux et cliniques).
En plus de donner de l’espoir aux milliers de patients aux prises avec de l’arthrose du genou, cette innovation démontre, une fois de plus, que le génie québécois mérite toutes ses lettres de noblesse.
Nicola Hagemeister, Professeure en biomécanique, École de technologie supérieure (ÉTS); Alix Cagnin, Professionnel de recherche, École de technologie supérieure (ÉTS); Manon Choinière, Professeure titulaire Département d’anesthésiologie, Université de Montréal, Université de Montréal; Nathalie J Bureau, Professeur titulaire Faculté de médecine – Département de radiologie, radio-oncologie et médecine nucléaire, Université de Montréal; Nathaly Gaudreault, Professeure, Faculté de médecine et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke et Neila Mezghani, Professeure, Département Science et Technologie, Université TÉLUQ
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original. crédit photo: Il est aujourd’hui connu que l’arthrose n’est pas uniquement une condition associée au vieillissement. Elle peut être induite par des contraintes sur le cartilage, la petite membrane qui protège les os de notre genou. (Shutterstock)