Une étude publiée en août dernier par France Stratégie (institution d’analyses et de propositions au service du Premier ministre), synthétise une somme d’articles scientifiques et compare 23 cahiers des charges de modèles agroécologiques. Conclusion : parmi eux, l’agriculture biologique est la plus performante, que ce soit d’un point de vue économique ou environnemental.
Avec un quart des agriculteurs sous le seuil de pauvreté, une pollution des nappes phréatiques et des cours d’eau et un appauvrissement des sols, mais aussi l’émission de 20 % des gaz à effet de serre et une responsabilité dans la disparition de la biodiversité, l’agriculture conventionnelle a de quoi être remise en question.
Alternative au mode conventionnel, l’agroécologie se définit par l’exploitation optimale des ressources naturelles et l’utilisation du minimum d’intrants possibles (engrais, pesticides, antibiotiques), l’objectif étant de rendre les exploitations autonomes. Différents modèles se revendiquent de l’agroécologie, avec des cahiers des charges différents : des chartes privées (comme Lu’Harmony), le label européen AB ou d’autres labels encore plus exigeants comme Demeter ou Nature et progrès.
Les deux auteurs de l’étude publiée par France Stratégie, Alice Gremillet et Julien Fosse, ont passé à la loupe vingt-trois cahiers des charges ou référentiels et calculé un « score d’exigences environnementales » pour chacun d’eux. Il s’agit d’un indicateur de la réduction d’utilisation d’engrais et de pesticides, mais aussi de pratiques favorables à la préservation de la biodiversité, des sols et des ressources en eau. Leurs résultats ont permis dans un premier temps de déterminer 2 grandes familles d’exploitations : d’un côté celles ayant de « hauts niveaux d’exigences environnementales » – l’agriculture bio certifiée AB et les labels qui vont au-delà de son référentiels. De l’autre, les chartes privées qui, bien que plus économes en intrants (comme celle du réseau Delphy) ont encore un modèle proche de l’agriculture conventionnelle.
Dans leurs conclusions, les auteurs expliquent que les exploitations en bio sont plus rentables. Ils donnent l’exemple de la viande bovine polyculture élevage : « cn 2016 l’excédent brut d’exploitation (EBE – qui mesure la rentabilité d’une entreprise NDLR) des exploitations conventionnelles en viande bovine était de 3 euros par hectare contre 180 euros en bio. Plus généralement la littérature scientifique montre que le gain de marge directe en AB, quoique très variable selon les productions, est en moyenne de 103 % ». Comment expliquer de telles marges ? Tout d’abord car les exploitations économisent sur les intrants et vendent à des prix plus élevés. Ensuite car leurs productions sont plus diversifiées et leurs rendements plus stables à long terme. Cela s’explique également par les performances économiques particulièrement basses des exploitations conventionnelles l’année de l’étude, 2016.
Les deux auteurs ont également modélisé la transition d’une exploitation type de polyculture conventionnelle (avec 8 productions dont le blé, le colza, l’orge, le
chanvre…) de 100 ha en agroécologie, sans tenir compte des aides de la PAC. Parmi les différents cahiers des charges (Delphy, Lu’Harmony, Nature et Progrès…), c’est le référentiel AB qui se révèle le plus rentable. « L’AB est le seul référentiel à apporter des bénéfices à moyen terme à l’exploitant, avec un gain de marge directe de l’ordre de 25 % au terme de la transition (hors aides de la PAC). L’agriculture biologique apparaît donc comme la plus performante d’un point de vue économique et environnemental », concluent des deux auteurs.
Ils soulignent alors un problème souvent posé par les candidats à la conversion vers l’agriculture biologique : les aides, aujourd’hui, ne sont pas corrélées à la protection de l’environnement. C’est pourquoi les auteurs suggèrent un système de « bonus-malus : le produit des malus sur l’usage de pesticides et d’engrais venant financer les bonus aux pratiques agroécologiques par exemple ». Et proposent en outre de tenir compte, dans l’attribution des aides, du plus grand besoin en main d’œuvre de l’agriculture biologique.
Sophie Noucher
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