Île de Quéménès, France – Pendant dix ans, Soizic et David ont vécu sur un îlot désert au large du Finistère, le faisant revivre. Malgré les aléas, ils y ont cultivé des pommes de terre, élevé des brebis, accueilli des hôtes et fondé une famille, tout en préservant les milieux naturels.
« Nous tirons un beau bilan de ces dix années sur l’île de Quéménès », affirme Soizic Cuisnier, tout en s’activant à la préparation du repas dans la cuisine de la ferme insulaire. Au menu: haricots de mer à la crème et potée de lotte à la saucisse de Molène, du nom de l’archipel au sein duquel se niche le petit caillou d’à peine plus d’un kilomètre de long et 400 mètres de large.
« Même si on a eu des passages difficiles, on a conscience d’avoir vécu une expérience hors du commun », poursuit David, yeux bleus et cheveux coupés courts, enfournant le fondant au chocolat qui complétera le menu destiné aux dix hôtes du jour.
A la fin de l’année, la jeune femme de 34 ans, son mari de 40 et leurs deux enfants, Chloé et Jules âgés de 7 et 5 ans, quitteront Quéménès, laissant la place à d’autres Robinson, désireux comme eux de faire revivre l’îlot de 30 hectares brassé par les tempêtes.
Nouvelle vie pour Quéménès
Au départ de cette aventure, il y a un appel à projet du conservatoire du littoral, qui, après avoir acquis l’île en 2003, souhaitait lui donner une nouvelle vie.
Il aura fallu restaurer les bâtiments, installer l’eau courante et l’électricité –grâce à une petite éolienne, des panneaux solaires et un système de filtration de l’eau de pluie– afin d’envisager l’installation d’un couple capable de redémarrer l’exploitation qui fonctionnait encore quelques dizaines d’années auparavant.
Au total, 1,3 million d’euros ont été investis dans le projet avec deux objectifs principaux. Les activités agricoles devaient permettre d’entretenir les terrains et murets sur l’île. L’accueil de public devait le sensibiliser à la fragilité du milieu.
Avant d’arriver à Quéménès, Soizic, diplômée de niveau bac+2 en valorisation des produits de la mer, animait des classes de mer. David, tenait un magasin d’articles de plongée après un bac agricole et une maîtrise de géographie.
« On est fier de ce qu’est devenu Quéménès », assure Soizic, coupe au carré sur un visage respirant le bon air. Pour elle, « la protection des milieux naturels n’est pas forcément incompatible avec une vie économique locale et heureuse ».
La culture des pommes de terre a permis de retravailler une partie des sols, tandis que les autres l’étaient grâce au pâturage des moutons. Les prairies ont alors progressivement retrouvé leur place, laissant le champ libre à une flore disparue.
Alors qu’en 2007, il n’y avait quasiment plus d’oiseaux nicheurs à cause de la présence de furets, près de 250 couples de sternes ont été observés en 2017, sur 1.900 recensés en Manche et mer du Nord.
Un SMIC et demi par mois
La famille a pu se verser une moyenne d’un SMIC et demi par mois. « Ca fonctionne parce que nous avons développé des activités complémentaires », souligne Soizic, se souvenant de la panne de tracteur le jour de la récolte des patates en 2012, de celle, l’année suivante, du moteur de leur petit bateau, seul lien avec le continent, ou encore de la tempête de l’hiver 2014 qui a retourné le littoral et réduit à néant la récolte des algues.
Le couple propose trois chambres d’hôtes d’avril à octobre et vend chaque année, jusqu’en Suisse, Belgique et Italie, près de 5 tonnes de pommes de terre issues de sols amendés de goémon.
Une vingtaine de brebis lui permettent aussi de commercialiser de la viande d’agneau, tout comme il le fait avec les algues qu’il récolte.
Le conservatoire du littoral, désireux de renouveler l’expérience –après le départ de la famille Cuisnier qui souhaite se lancer dans la culture d’algues sur le continent– a lancé un nouvel appel à projet qui a « reçu bien plus de candidatures qu’il n’en faut ». Le résultat de cet appel, qui clôture le 26 septembre, devrait être connu en octobre.
© Agence France-Presse
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