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Des fossiles d’ancêtres du chat découverts en Pologne éclairent l’histoire de sa domestication

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Des scientifiques ont mené une nouvelle étude sur des fossiles d’ancêtres de chat retrouvés dans des grottes en Pologne. Datés de 4.000 à 6.000 ans, ces restes ont montré qu’à cette époque, les animaux n’étaient pas dépendants des humains à proximité desquels ils vivaient.

Avec une population estimée à plus de 400 millions de spécimens à travers le monde, le chat figure parmi les animaux domestiques les plus populaires au monde. Mais comment le félin en est-il arrivé à investir nos foyers ? C’est l’énigme que les scientifiques tentent de résoudre depuis longtemps.

On sait aujourd’hui que tous les chats domestiques (Felis catus) descendent d’une espèce de chat sauvage originaire du Proche-Orient. Des découvertes ont ainsi montré que l’animal aurait commencé à cohabiter avec l’homme il y a quelque 10.000 ans. Le scénario de sa domestication demeure toutefois relativement flou. De même que la façon dont le félin s’est répandu en Europe.

Une récente étude publiée dans la revue Proceedings of National Academy of Sciences apporte aujourd’hui un nouvel éclairage sur la coexistence précoce des félins et des humains. Elle révèle qu’il y a 6.000 ans, durant le Néolithique, des chats originaires du Proche Orient vivaient bien aux côtés de fermiers en Pologne. A cette époque, ils n’étaient toutefois pas dépendants de ces derniers.

 

Des fossiles découverts dans des grottes polonaises

Cette conclusion est le fruit d’une analyse conduite sur des fossiles mis au jour dans des grottes au sein du haut-plateau de Cracovie-Częstochowa dans le sud de la Pologne. Bien que les ossements aient été découverts mélangés dans des dépôts, les chercheurs sont parvenus à déterminer qu’ils appartenaient à des chats sauvages proche-orientaux âgés de 4.000 à 6.000 ans. Une surprise.

« Nous ne nous attendions pas à trouver des restes de chats remontant plus loin que le début de notre ère, parce que c’est ce qui était suggéré par d’autres découvertes archéologiques réalisées en Europe« , a expliqué à Inverse, le Dr. Magdalena Krajcarz, archéozoologue de l’université Nicolas-Copernic en Pologne et principal auteur de l’étude.

Cet ossement appartenant à un chat sauvage du Proche-Orient a été découvert dans la grotte Zarska dans le sud de la Pologne. © Michał Wojenka & Magdalena Krajcarz
 

Les plus anciens restes de chat connus à ce jour ont été retrouvés à Chypre dans une tombe vieille de 9.500 ans. L’île ne comptant pas de chat sauvage natif, cette découverte a montré qu’à cette époque, le félin avait déjà commencé à suivre les humains dans leurs voyages. En Europe toutefois, les restes identifiés jusqu’ici s’étaient avérés bien moins anciens.

En Pologne, les premiers ossements de chat domestique documentés étaient ainsi âgés « d’à peine » 2.000 ans. « Le fait que ces chats puissent remonter au Néolithique était [donc] quelque chose que nous n’avions même pas considéré comme une hypothèse« , a précisé le Dr. Krajcarz. En s’intéressant de plus près à ces ossements, l’équipe est ainsi parvenue à obtenir de précieuses informations.

 

Des prédateurs opportunistes

Pour en savoir plus sur les chats, les chercheurs ont mené une étude sur la composition de leurs os et plus précisément, sur les différentes formes chimiques – les isotopes – de carbone et d’azote qui s’y trouvaient. Régulièrement utilisée sur les fossiles, cette méthode permet d’obtenir des informations sur le régime alimentaire des animaux disparus, parfois sur toute leur vie.

D’après les résultats obtenus, les chats des grottes polonaises se nourrissaient de rongeurs vivant dans les fermes humaines voisines, probablement des souris, mais aussi d’autres espèces telles que des mulots ou des campagnols. Ceci suggère que les félins profitaient de la présence des fermiers mais n’étaient pour autant pas totalement dépendants d’eux.

« Notre interprétation est que les chats proche-orientaux du Néolithique étaient des synanthropes opportunistes, très probablement des individus qui vivaient en liberté« , écrivent les auteurs. La synanthropie s’applique à des espèces sauvages animales ou végétales qui établissent une interaction durable avec les humains à proximité desquels ils vivent.

 

Ces résultats semblent confirmer le scénario avancé jusqu’ici pour expliquer la dispersion des chats en Europe. Il y a 7.000 ans, les félins auraient suivi les fermiers au cours de leur migration depuis le Proche-Orient. Une fois ceux-ci installés, ils auraient alors profité des ressources alimentaires rendues facilement accessibles par leurs activités d’agriculture et d’élevage.

« A la lumière des données que nous avons publiées […], les chats ont accompagné les humains en Europe centrale pendant des milliers d’années, gardant une nature entre sauvage et domestiquée« , a décrypté le Dr. Krajcarz pour Inverse. « Pendant des millénaires, les chats étaient simplement des alliés naturels des humains dans la lutte constante contre les rongeurs, plutôt que des animaux domestiques« .

Cohabitation entre chats sauvages

L’étude a toutefois montré que les félins du Proche-Orient n’étaient pas les seuls à profiter de l’activité humaine dans la région. Dans les grottes polonaises, sont également apparus des fossiles d’une espèce apparentée, le chat sauvage européen. Et l’analyse de ces ossements a abouti à des conclusions similaires quant à l’alimentation de leurs propriétaires.

 
En plus des ossements de chats sauvages du Proche-Orient, les archéologues ont découvert plusieurs restes de chat sauvage européen dont cette mandibule. © Magdalena Krajcarz

Le prédateur européen aurait ainsi cohabité avec son cousin oriental et comme lui, il aurait profité de l’arrivée des fermiers pour accéder à des proies plus faciles. Si le chat du Proche-Orient demeure le véritable ancêtre du chat domestique, il n’est ainsi pas exclu que les deux espèces se soient hybridées et que l’histoire de Felis catus soit donc plus complexe qu’on ne l’imaginait jusqu’ici, d’après les chercheurs.

Bien que ces travaux apportent un nouvel aperçu sur la coexistence des humains et des félins, le processus de domestication reste loin d’être élucidé. Dans le cas présent, difficile en effet de savoir quelle relation les fermiers néolithiques entretenaient avec les chats. De même, on ignore comment les ossements de félins sont arrivés dans les grottes autrefois utilisées comme abris par les humains.

 

« La proximité de la relation entre les chats proches-orientaux du Néolithique et les humains qui vivaient dans ce qui est aujourd’hui la Pologne, et le fait que ces chats étaient déjà domestiqués ou non, demeurent des questions sans réponse« , précisent les auteurs dans leur rapport. De nouvelles découvertes issues d’autres régions d’Europe seront ainsi nécessaires pour compléter l’histoire.

source – crédit photo: pixabay