Deux organisations, le Kent Wildlife Trust et le Wildwood Trust, se sont lancées dans un projet d’envergure au Royaume-Uni. Nommée « Wilder Blean », l’initiative vise à restaurer un écosystème naturel dans les forêts de Blean, notamment grâce à la réintroduction d’un petit groupe de bisons.
Plus de 6.000 ans après leur disparition du pays, les bisons vont bientôt faire leur grand retour au Royaume-Uni. C’est ce qu’ont annoncé, le Kent Wildlife Trust et Wildwood Trust, deux organisations britanniques consacrées à la protection de la faune et de la flore sauvages. D’ici deux ans, celles-ci prévoient en effet de réintroduire un petit groupe de bisons européens dans le sud-est de l’Angleterre.
Cette initiative s’inscrit dans un projet plus vaste et ambitieux nommé « Wilder Blean ». Son objectif : restaurer un écosystème naturel dans les forêts de Blean situées à proximité de Canterbury dans le Kent. « Au Royaume-Uni, le manque de gestion des forêts est l’une des huit causes principales de déclin des espèces« , explique le Kent Wildlife Trust sur son site internet.
« Nous savons que la clé pour permettre aux espèces de survivre et de prospérer est de créer un réseau de rétablissement de la nature d’une plus grande et d’une meilleure qualité, et des habitats moins cloisonnés« , poursuit l’organisation. « Malheureusement, la gestion humaine n’est pas suffisante pour créer le type d’habitats dont les espèces ont besoin. Ce qu’il nous faut, ce sont des solutions naturelles« .
Des « ingénieurs des écosystèmes » à la rescousse
Avec Wilder Blean, les défenseurs de la nature ont décidé de pousser cette stratégie un peu plus loin. La réserve des forêts de Blean n’a pas été sélectionnée par hasard. Elle constitue l’une des plus grandes zones forestières anciennes du Royaume-Uni et un exemple de choix. La région a longtemps été exploitée pour son bois avant d’être rachetée par le Kent Wildlife Trust.
© Simon Carey/Blean Woods Nature Reserve/CC BY-SA 2.0
Elle est ainsi à moitié recouverte de plantations non-natives, notamment des conifères, qui « n’ont que peu de valeur pour la faune sauvage« , précise l’organisation. Cela fait plusieurs années que les spécialistes travaillent à retirer les conifères. Avec le nouveau projet et la réintroduction, ils ont toutefois décidé d’utiliser une approche plus naturelle que de simplement couper les arbres.
Avec une longueur de trois mètres pour une masse d’environ 800 kilogrammes, le bison d’Europe (Bison bonasus) est le mammifère terrestre le plus imposant du continent. Et il joue un rôle crucial dans son environnement. Le bovidé est en effet décrit comme un « ingénieur des écosystèmes ». Il « contrôle les habitats comme aucun autre animal« , explique le Kent Wildlife Trust.
Le bison s’attaque spécifiquement à certains arbres en mangeant leur écorce ou en se frottant contre eux pour éliminer leur fourrure hivernale. Ce comportement génère du bois mort faisant office de festin pour les insectes qui peuvent à leur tour nourrir les oiseaux. Avec sa taille imposante, l’animal crée également des couloirs verts à travers la forêt dense où des espèces natives peuvent se développer ou prospérer.
« Utiliser des espèces manquantes telles que le bison pour restaurer des processus naturels dans les habitats est la clé pour créer la bio-abondance dans nos paysages« , a assuré dans un communiqué Paul Hadaway, directeur de la conservation au Kent Wildlife Trust. Ces processus naturels, les bisons les ont assurés pendant des milliers d’années au Royaume-Uni avant d’en disparaître.
Une espèce poussée vers l’extinction
L’extinction du bovidé dans le pays remonte à au moins 6.000 ans mais il a perduré sur le reste du continent. Du moins jusqu’au début du XXe. Les derniers spécimens sauvages ont été tués en Pologne dans les années 1920. Ne restaient alors plus qu’une cinquantaine de spécimens captifs. Ce sont eux qui ont permis d’empêcher l’extinction totale de l’espèce désormais protégée.
© Michael Gäbler/Wikimedia Commons
Au cours des dernières décennies, plusieurs pays dont la Pologne, la Roumanie et les Pays-Bas, ont réalisé des réintroductions de bisons, avec succès. C’est donc désormais au tour du Royaume-Uni de rejoindre la liste grâce au projet Wilder Blean. Selon les plans dévoilés, les bovidés seront relâchés sur une zone de 150 hectares au printemps 2022, une fois les infrastructures nécessaires installées.
Le groupe sera composé dans un premier temps d’un mâle et de trois femelles venus des Pays-Bas ou de Pologne où les réintroductions ont fonctionné, d’après l’organisation interrogée par The Guardian. La reproduction naturelle devrait permettre ensuite d’augmenter la taille du troupeau, une femelle donnant généralement naissance à un petit par an.
Les bovidés disposeront normalement de tout ils ont besoin dans leur habitat. Les spécialistes ne comptent donc leur fournir ni nourriture, ni abris artificiels. Leur santé sera en revanche surveillée via l’observation de leur fourrure et des examens de leurs excréments. Objectif : permettre aux animaux de rester aussi sauvages que possible.
Des visites guidées pour voir les bisons
Une fois que le troupeau aura grandi et se sera installé, leur espace pourra être étendu jusqu’à 500 hectares et des visites guidées permettront au public d’observer les bisons à distance. « Ceci permettra au public de découvrir la nature comme jamais auparavant, en le reconnectant au monde naturel d’une façon plus profonde« , a assuré Paul Whitfield, directeur général du Wildwood Trust.
Les bisons « sont énormes. Mais la manière qu’ils ont de se fondre dans leur environnement est extraordinaire et ils sont très dociles vraiment« , a précisé à The Guardian Stan Smith, spécialiste du Kent Wildlife Trust. Les mammifères ne seront toutefois pas les seuls représentants de la faune sauvage à prendre part au projet dans la réserve de Blean Woods.
Des chevaux et des vaches évoluent déjà dans la zone et ils seront bientôt rejoints par quelques cochons qui permettront également de restaurer l’écosystème naturel. Le projet dont la première phase devrait être achevée en mai 2023, a été rendu possible grâce à un prix de 1,125 million de livres (environ 1,25 million d’euros) attribué par le People’s Postcode Lottery Dream Fund.
« Cette récompense nous a permis de réaliser une avancée importante pour inverser le rythme terrifiant de perte des espèces au Royaume-Uni« , a commenté Paul Hadaway. « Le projet Wilder Blean va démontrer qu’une solution plus sauvage basée sur la nature est la bonne solution pour lutter contre la crise du climat et de la biodiversité à laquelle nous faisons face aujourd’hui« .
source – crédit photo: pixabay