Racheter un zoo pour libérer les animaux et le transformer en sanctuaire pour d’autres, victimes de trafic: Rewild, une coalition d’ONG, a lancé mercredi un appel aux dons pour rendre possible un « pari fou » et inédit.
Au départ, un zoo de province, à Pont-Scorff, près de Lorient, en proie à des difficultés financières récurrentes. Et sept associations de protection des animaux, regroupées sous l’appellation « Rewild », néologisme pour évoquer le retour à la vie sauvage.
« Le propriétaire a aimé le projet, il nous a offert une opportunité. Acheter un zoo c’est quasi-impossible », explique Lamya Essemlali, coprésidente de Rewild. Soutenue sur les réseaux sociaux du journaliste Hugo Clément, qui présente une nouvelle émission sur France2 consacrée aux luttes écolos, Rewild a ouvert mercredi matin une collecte en ligne pour lever les 600.000 euros nécessaires au rachat (https://www.gofundme.com/f/rewild). Cagnotte qui dépassait déjà les 100.000 euros en fin d’après-midi.
Compromis de vente signé depuis 48 heures, l’équipe a jusqu’à fin mai pour payer. Et essayer de faire vivre un projet qu’elle décrit comme totalement inédit. Tout d’abord préparer les 561 animaux du zoo (lions, éléphants, girafes, pandas roux ou loups entre autres) à une remise en liberté, sachant que chaque cas devra être étudié et que des bêtes ne pourront être relâchées. Il faudra aussi trouver des partenaires dans les pays d’origine.
Deuxième axe, la transformation du zoo en centre de réhabilitation pour animaux sauvages saisis lors du démantèlement de trafics. Plusieurs des ONG parties prenantes travaillent déjà avec les pouvoirs publics sur de tels projets, mais Pont-Scorff permettrait un changement d’échelle. « Le trafic d’animaux est le troisième plus lucratif après les armes et la drogue et la deuxième cause de disparitions d’espèces », explique Lorane Mouzon, également coprésidente.
Réalité virtuelle
Pour assurer le financement dans la durée – avec un budget mensuel estimé à 100.000 euros – l’équipe compte sur les dons, notamment en mettant en valeur les « histoires » des animaux. Il veut aussi un « projet économiquement viable », avec restaurant, centre de formation, animations et visite en réalité virtuelle, puisque les animaux ne seront pas au contact du public.
Côté social, Rewild se propose de reprendre ceux des 17 salariés qui le souhaiteront, tout en reconnaissant que le projet, tenu secret jusqu’au dernier moment, « peut inquiéter ».
« C’est vrai que c’est une surprise », commente de son côté Olivier Thomas, directeur actuel du zoo. Mais « tout ce qui peut aller dans le sens de la protection des animaux, on y est favorable ». « Il y aura peut-être d’autres méthodes de travail, on verra ».
« En théorie c’est magnifique », lance de son côté Rodolphe Delord, président de l’Association française des parcs zoologiques. Qui relève que l’association avait mis en demeure l’ancien propriétaire de Pont-Scorff de réaliser des travaux suite à une inspection en avril dernier. « Notre priorité, c’est le bien-être animal » explique-t-il, en défendant le principe de parcs zoologiques travaillant de concert avec l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Et puis, souligne celui qui dirige également le ZooParc de Beauval, la réintroduction dans la nature, « c’est extrêmement compliqué ». Ainsi, deux gorilles, espèce en danger d’extinction, nées à Beauval ont récemment été réintroduites au Gabon. L’une d’elle n’a pas survécu.
Du côté de Rewild, si on mesure l’ampleur de la tâche, on se sent à la hauteur du défi. Des travaux pour améliorer les conditions des pensionnaires sont déjà prévus.
« On est des professionnels, pas une bande d’hystériques qui ont racheté un zoo pour mettre les animaux dehors. Ça fait 25 ans qu’on travaille là dedans, c’est notre métier, » insiste Jérôme Pensu, fondateur du Biome, « station d’élevage spécialisée dans la reproduction d’espèces en danger d’extinction » et membre de Rewild.
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