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Récapitulatif d’arrêts de travail dans ma carrière: les jours pris pour enfants malades et deux congés longue maladie pour mes deux cancers.

Quelques phrases pour vous dire comme on peut changer dans la vie, qu’il ne faut jamais dire fontaine, je ne boirai pas de ton eau.

Pendant de nombreuses années, j’étais la personne qui ne voulait pas s’absenter du travail. Si je regarde mon récapitulatif d’arrêts de travail dans ma carrière, je lis: les jours pris pour enfants malades et sinon, et bien ce sont mes deux congés longue maladie pour mes deux cancers. 

Mes parents étaient artisans-commerçants. Je peux vous dire qu’être fonctionnaire dans une famille de commerçants, ce n’est pas forcément évident. Les vieilles idées ont la dent dure et donc fonctionnaire = faignant pour une partie de la population. Donc, se faire porter malade était un signe de faiblesse, le travail était une des premières valeurs de ma famille, il est dans mes gènes.

Lors de mon premier congé longue maladie, il y a moins de 10 ans, après les traitements j’étais pressée de reprendre mon poste au travail.

J’ai pu recommencer en mi-temps thérapeutique, et en effet, j’avais besoin de cette reprise en douceur. Je me suis aperçue en reprenant que mon regard sur le travail avait changé déjà, et que beaucoup de détails qui me semblaient importants avant étaient devenus dérisoires. J’ai eu du mal durant quelques semaines à me fondre de nouveau dans l’ambiance travail, j’ai eu du mal à me sentir concernée. J’étais contente de reprendre mais je ne voyais plus les choses de la même façon. J’ai ressenti des difficultés à de nouveau me fondre dans l’équipe (équipe très jeune).

Puis, les mois et les années passant, on oublie, on rentre de nouveau dans le moule que l’on avait abandonné. J’ai repris goût au travail, aux relations entre collègues. J’ai recommencé à courir pour tout et pour rien.

D’ailleurs, la preuve que j’avais bien repris ma place dans la société travail, c’est que lorsque j’ai eu l’annonce de mon second cancer, il y a environ 2 ans, après les pleurs et la peur, j’ai tout de suite pensé à mon job. J’ai fait en sorte de tout organiser avant de partir en traitement. Et j’ai culpabilisé durant au moins une année d’avoir abandonné mon poste. J’ai mis plus de 18 mois à retirer de ma messagerie le compte mail du travail ! En effet, durant 18 mois, j’ai continué à lire les échanges et j’étais au courant de tout ce qui se passait ou presque au boulot. A un certain moment, je me suis dit que j’étais un peu « grave » de faire cela. Ce n’était pas du tout une forme de surveillance de ma remplaçante (qui est en plus une amie chère), pas du tout !! C’était ce besoin d’être encore en relation avec la société, avec le monde du travail. Je ne voulais pas ou ne pouvais pas décrocher.
 

Et puis, ,peu à peu, forcément on s’éloigne de ce monde. Quand on se retrouve entre collègues pour une soirée, tout le monde parle boulot (oui, il faut savoir que chez les enseignants, on parle boulot tout le temps! petit clin d’oeil aux compagnes et compagnons d’enseignants qui doivent subir cela!). Et là, bien souvent je décroche car je ne me sens plus à ma place. Cela m’amuse d’avoir des nouvelles des élèves, d’écouter des anecdotes mais bon, pas toute la soirée:).

Je me suis construit un monde sans mon travail. Et cela, je ne le pensais pas possible avant.

Je me suis découvert des passions. J’ai découvert le concept de prendre son temps et de pouvoir choisir ses horaires, ses activités. Bon, ok, il y a une chose que je ne peux pas vraiment choisir ce sont mes dates d’opérations, mes convalescences parfois trop longues et le suivi médical et psychologique.

Je ne suis pas en train de vous dire que la solution c’est d’avoir subi deux cancers et d’être en congé longue maladie! Attention, pas du tout!

Je suis juste en train de vous expliquer comme le regard sur la vie et sur la société peut changer alors que l’on pensait que ce ne serait pas possible.

Beaucoup de monde dans mon entourage se demande ce que je peux bien faire de mes journées. Je réponds que je prends le temps de vivre tout simplement et de faire ce qu’il me plaît. Et cela m’est devenu primordial, car je ressens comme une urgence de faire les choses (oui, je ne peux m’empêcher de penser que le crabe est fourbe et peut revenir à tout moment).

Je pensais ne pas supporter de ne pas travailler. Comme quoi, la vie nous change.

Et vous, avez-vous eu des évènements dans la vie qui ont changé votre regard sur le monde ?

Ce billet est également publié sur le blog Tribulations d’une quinqua.

TRIBULATIONS D’UNE QUINQUA

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