Longué-Jumelles (France) (AFP) – Sous le ciel d’Anjou, des petites grappes mauves détonnent au milieu des champs de céréales traditionnels: entre le blé et l’orge, le quinoa hexagonal souhaite continuer à grandir et prendre la place de ses aïeux sud-américains dans les assiettes.

A l’origine de l’arrivée de cette graine croquante des hauts plateaux de Bolivie et du Pérou se trouve Jason Abbott, un Américain spécialiste des semences, marié à une Française, qui cherchait une source de protéines de qualité pour un membre de sa famille intolérant au gluten.

« Je pense qu’on peut dire que mon activité a eu pour résultat la première vraie filière commerciale de production de quinoa en Europe », assure-t-il, en arpentant les rangées de plants de quinoa bordées de coquelicots, dans sa parcelle expérimentale de Longué-Jumelles (Maine-et-Loire).

Parti des travaux de l’université néerlandaise de Wageningue, il a assemblé patiemment les morceaux du puzzle pour adapter la culture aux plaines du Val de Loire.

« Si on prend des semences directement de Bolivie ou du Pérou et qu’on les sème ici, on ne récoltera rien du tout parce qu’elles sont particulièrement sensibles à la longueur du jour et sous nos latitudes, les écarts, les variations de longueur du jour sont beaucoup plus exagérées qu’à proximité de l’équateur », rappelle-t-il à l’AFP avec son accent du Tennessee.

En revanche, le climat tempéré de la région semble propice: « il y a deux choses que le quinoa déteste, c’est l’humidité et la chaleur. Ces deux choses là, ça ne lui va pas du tout », explique M. Abbott, qui loue le « climat relativement doux et sec » de sa région.

Aujourd’hui, quelque 300 producteurs de quinoa affiliés à la CAPL (coopérative agricole pays de Loire) produisent environ un tiers des 6.000 à 7.000 tonnes de quinoa consommées chaque année en France, le reste étant importé de Bolivie et du Pérou.

« On produit un quinoa sans herbicides et sans résidus phytosanitaires, on va commencer à le mettre en avant », explique Arthur Nicolas, responsable des filières végétales de la CAPL. Le quinoa n’est pas bio, car les terres des producteurs ne sont pas forcément labellisées Agriculture biologique, « mais c’est vraiment un geste qui est fait pour l’environnement et pour le consommateur », insiste M. Nicolas.

« Notre principal objectif aujourd’hui, c’est de prendre des parts de marché sur le quinoa d’import », explique M. Nicolas, qui souhaite « faire prendre conscience aux consommateurs qu’il existe un quinoa d’origine France », alors que la demande exponentielle pour ces graines pose des problèmes de surproduction dans leur région d’origine, l’Altiplano andin.

La coopérative et ses producteurs ont développé l’année dernière un quinoa d’Anjou rouge, pour « apporter de la nouveauté et permettre aux consommateurs ou aux industriels d’avoir une origine France en quinoa blond et en quinoa rouge ».

Par rapport à la graine classique, la « différence est essentiellement visuelle, avec une texture un peu plus croquante pour le quinoa rouge », explique M. Nicolas.

La production hexagonale de cette céréale, vendue à 80% aux industriels et aux restaurateurs, se heurte encore à quelques écueils: « On a des industriels qui nous disent +oui, mais on a des consommateurs, pour eux le quinoa, c’est Amérique du Sud, donc il faut qu’on leur dise qu’il vient d’Amérique du Sud, sinon ils ne comprennent pas+ », raconte M. Nicolas.

Afin de contourner l’obstacle, la filière réfléchit à des déclinaisons innovantes.

« On est en réflexion aujourd’hui pour élargir nos gammes, aller peut-être sur des produits transformés, type céréales de petit déjeuner au quinoa », explique M. Nicolas.

Bercés par le vent, les plants de Christian Blet ondulent doucement sous un ciel chargé de gros nuages.

« Il faut qu’on arrive à convaincre qu’acheter local, c’est quand même plus responsable que de faire venir des choses de très, très loin », espère cet agriculteur et coopérateur de la CAPL, en inspectant soigneusement les petites grappes de graines qui lui arrivent à la taille, dans son exploitation de Courchamps (Maine-et-Loire).

Avec la chute des cours du blé, « depuis deux ou trois ans, on voit bien qu’on arrive économiquement sur des impasses, ce qui fait qu’il faut qu’on apporte de la valeur ajoutée dans nos exploitations. Le quinoa en fait partie », conclut-il.

© AFP – Un champ de quinoa de Longué-Jumelles, dans le Maine-et-Loire, photographié le 13 juin 2011
© AFP ALAIN JOCARD

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