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Un essai vient d’être lancé à Toulouse pour introduire un anti-inflammatoire dans le protocole des soins des cancers de la peau les plus agressifs afin d’améliorer l’efficacité du traitement.

« Première mondiale » à l’oncopole de Toulouse : un essai vient d’être lancé pour introduire un anti-inflammatoire dans le protocole des soins des mélanomes les plus agressifs afin d’améliorer l’efficacité du traitement, selon l’institut de recherches du cancer, rattaché au CHU de Toulouse. Elle vise les malades touchés par un mélanome lorsque celui-ci risque « à 50 % » de se métastaser, ont expliqué à l’AFP les professeurs Bruno Ségui, chercheur en biologie au Centre de recherches en cancérologie de l’Oncopole Toulouse (CRCT) et Nicolas Meyer, onco-dermatologue à l’IUCT–Oncopole.

Stopper le cercle infernal

Dans un premier temps, l’essai va concerner six patients. Puis, six autres en bénéficieront s’il n’y a pas d’effets nocifs. Enfin, dans un délai de 18 mois, s’il n’y a toujours aucun problème, dix-huit malades seront testés avec comme objectif d’ici « trois à quatre ans » une généralisation de cette approche prometteuse, selon les deux professeurs. « L’idée est de lever tous les systèmes de frein du système immunitaire avec cet anti-inflammatoire déjà utilisé pour des maladies auto-immunes comme le psoriasis, la maladie de Crohn ou encore la polyarthrite rhumatoïde », a expliqué le Pr. Meyer. « Dans un mélanome, il y a une protéine appelée TNF (Tumor necrosis factor). Quand le cancer se développe, c’est qu’il a été capable de neutraliser le système immunitaire. C’est dans ce cas qu’on utilise l’immunothérapie depuis quatre à cinq ans », indique le Pr Ségui, à l’origine de la découverte et à la tête d’une équipe de 18 chercheurs. Or si l’immunothérapie a paru être la solution idoine, elle a aussi des limites.

« Le chef d’orchestre des inflammations, c’est la TNF. C’est un frein et elle cause des effets indésirables », fait-il valoir. « Quand on utilise l’immunothérapie, on créé une inflammation dans le cancer. Et cette inflammation va avoir un effet négatif. Elle va permettre aux cellules cancéreuses de se protéger de l’immunothérapie et la tumeur peut reprendre sa progression », ajoute le Pr Ségui, soulignant le rôle capital que peut alors jouer l’anti-TNF : stopper ce cercle infernal.

Une découverte fortuite

Comme souvent, cette trouvaille qui casse « un dogme médical » installé par les Américains en 1975 a été « fortuite ». Elle remonte à 2011. Le professeur avait alors demandé à une doctorante, Anne Montford, de confirmer le dogme et elle était arrivée au résultat contraire, se souvient le biologiste. Après six ans de travaux, un protocole a été mis en place. « Avec l’anti-TNF, le but est d’éteindre l’inflammation et de laisser le système immunitaire éteindre la tumeur », explicite le Pr Ségui, rappelant l’intérêt aussi dans la diminution des effets indésirables.

Ces travaux avaient fait l’objet d’une première publication et du dépôt d’un brevet en 2015. En décembre, ils ont été publiés dans la revue Nature Communications et feront l’objet d’une présentation officielle début février à l’occasion de la deuxième édition de l’OncoWeek, une manifestation organisée par l’Oncopole entre le 3 et le 7 février 2018 autour de la Journée mondiale du cancer. « Annuellement, 12.0000 cas de mélanomes sont diagnostiqués, dont 2.500 à 3.000 vont se métastaser et vont nécessiter un traitement d’immunothérapie » en France, constate le Pr Meyer, déplorant le risque d’un « doublement » des mélanomes d’ici « vingt ans ». La cause de cette expansion ? « Le comportement récréatif au soleil » de la population, répond le médecin. L’Oncopole de Toulouse est l’un des plus importants sites de recherche sur le cancer en France. Il inclut 1.200 de ses 12.000 malades dans des essais cliniques, selon son directeur Gilles Favre.

A l’Oncopole, au total, quelque 350 essais thérapeutiques différents sont menés, dont une trentaine de phase 1. De nouvelles phases 1 sont prévues en 2018, a indiqué M. Favre. Les recherches sur l’immunothérapie resteront l’un des axes forts de l’Oncopole dans les années à venir. Un projet financé par l’UE et porté par le Dr Nathalie Andrieu-Abadie s’est fixé comme objectif de trouver de nouveaux mécanismes de résistance à l’immunothérapie.

crédit photo: capture Oncopole

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